12 - l'exécution

Christian Ranucci

a-t-il vraiment crié

"réhabilitez-moi" ?

faribole d'avocat à en croire

les culpabilistes ...

Il est beau le "Réhabilitez-moi" d'un homme qui va être guillotiné.

Sauf qu'il n'y a que les avocats pour l'entendre. Comme c'est dommage. Et surtout étonnant.

Ses avocats ont cherché à l'entourer "d'un mur de mots" pour ses derniers instants. Ils n'allaient pas louper ses dernières paroles.

Le "réhabilitez-moi" n'avait pas besoin d'être crié. Il ne s'adressait pas aux juges pas plus qu'aux gardiens que je sache. 

Les avocats n'allaient pas louper de sortir à la presse la réplique qui pourrait faire les gros titres. C’est typiquement le bon mot de l'avocat qui veut faire parler de lui.

Dans ce cas, les 3 avocats auraient pu se vanter d’avoir réussi le plus grand bluff de l’histoire judiciaire de ce pays. En justifiant la roublardise par la nécessite de continuer le combat contre la peine de mort.

A côté, maître Collard brandissant son « enveloppe marron » dans une toute autre affaire, c'est de l'amateurisme.

Mais pour que l'improbable manigance sur les derniers mots du condamné ait pu avoir lieu, il aurait fallu que les avocats se soient mis d’accord.

( encore plus improbable ! )

Tout avocat dit ce qui lui semble être bon pour la thèse qu'il défend.

Ce "réhabilitez-moi" leur permet de justifier la position de défense qu'ils ont prise, à savoir l'innocence de leur client.

Tout avocat travaille d'abord pour vivre. Ils n'avaient aucun intérêt, ni moral ni pécuniaire, à relayer le "réhabilité-moi !" Quel serait leur avantage à travailler gratuitement pour une cause perdue qui leur laisse un souvenir atroce ?

Mais l'intérêt pécuniaire est bien présent pardi !

Franchement, « réhabilitez-moi », ça permet aux avocats de continuer à faire parler d’eux. C'est toujours bon à prendre dans une profession libérale interdite à la publicité commerciale.

Buzz dans les journaux, et gratuitement s'il vous plait. Donc même après la mort du client, les affaires continuent !

C’est totalement faux. D'abord parce qu'on fait rarement la promotion de son activité et ses compétences à partir d'un procès perdu. Ensuite parce que pendant les années qui ont suivi, maître Lombard était incapable d’aborder le sujet.

Inutile de vous dire que je ne crois quand même pas beaucoup aux dernières paroles. Je ne suis pas le condamné qui vit ses derniers instants. Mais il me semble qu'avant de demander qu'on me réhabilite, j'aurais d'abord dit "JE SUIS INNOCENT. Réhabilitez-moi."

Si l'on en croit le témoignage d'un gardien présent à l'exécution, ses 1ère paroles à maître Lombard furent "dites leurs que je suis innocent".

Le rapport de ces propos a été publié en 1999. Ils émanent d’un témoin attentif, car le gardien avait pris sur ses congés pour assister à l’exécution. Il avait même pris un verre la veille avec les bourreaux !

Donc, la 1^ère déclaration aux avocats est bien "je suis innocent". La 2nde "réhabilitez-moi" a un tout autre impact. C'est une manière polie et civilisée de dire "vengez-moi !".

 Il est délicat de se mettre à la place du condamné. En revanche, on peut plus facilement se mettre à la place d'un homme qui lit la lettre d'adieu de sa mère. Si pour lui tout est finit, pour elle, il va falloir continuer à vivre, dans le déshonneur. La réhabilitation, c'est pour sa mère.

Que Ranucci  demande la réhabilitation pour sa mère je peux le comprendre. Mais en quoi cela pourrait aussi être une demande de vengeance ?

 Christian, Ranucci à eu tout le temps de peser le pour et le contre dans sa cellule de condamné à mort.

 Si je crie "je suis innocent", alors :

1 - Je ne suis certainement pas le 1^er dans l'histoire à finir de cette manière avant l'oubli.

2 - Je n’atteins guère le moral de ceux qui m'ont condamné. Car clamer mon innocence devant eux ne les a guère troublés. Et ils ont pour eux les conclusions du procès pour se donner raison.

En revanche, si je crie "réhabilitez-moi", tout est différent.

Je continue par delà la mort à travailler les méninges de ceux qui m'ont condamné à mort en me rappelant à leur « bon » souvenir.

" Réhabilitez-moi " suffirait à le venger ?

Ce n'est pas impossible. Sans cette phrase dont on peut reconnaitre le caractère équivoque, il n'y aurait peut-être pas eu tout le travail d'investigation qui a suivi. Ces recherches ont instillé le doute, puis finalement instauré la conviction d'innocence dans des esprits devenus majoritaires. Et aussi forcément dérangé bien des mentalités ancrées dans leurs certitudes.

L'adaptation du livre "le pull-over rouge" en film a catalysé le scepticisme ambiant pour prendre position en faveur de l'innocence.

Certains peuvent douter. Qu'est-ce que ça change ?

Le doute est une souffrance. Toutes les étapes de remises en cause ont fasciné voir mobilisé le grand public. Ces différents stades ont à chaque fois été ressentis douloureusement par ceux qui ont envoyé christian Ranucci à la mort. Ou tout au moins par certains.

Pas un seul n'a joué les héros. Ils étaient plutôt sur la défensive. (à chacun son tour)

Comme le psychologue qui a plus ou moins rejeté la faute sur le jury "moi, si j'avais été juré ..."

Le sentiment de culpabilité est une souffrance indicible. Et même en se cachant du monde entier, où que vous alliez, elle réussit toujours par vous retrouver.

Qu'est qui vous fait dire ça ?

Ce sont les propos d'un témoin qui le trahissent.

A l'un d'entre eux dont la déposition avait pesé lourd dans l'acte d'accusation, on avait demandé :

"Qu'avez-vous fait les années qui ont suivi ? "

"J'ai bougé" a-t-il spontanément répondu.

Tentative futile et dérisoire de fuite pour échapper au poids de la culpabilité morale.

Et ne parlons pas de ceux qui chaque jour, et aujourd'hui encore, doivent batailler par des stratagèmes mentaux retors. Ils tentent vainement de se persuader qu'ils ont fait les bons choix, ou n'ont joué qu'un rôle mineur. 

Si christian Ranucci voulait être vengé, ces tortures de l'esprit instillées dans des cerveaux influençables s'en sont chargées. Ces tracasseries malignes qui reviennent sans cesse au moment où vous pensez avoir trouvé le répit.

A fin funeste, vengeance dérisoire ?

Vengeance TERRIBLE !

 L’affaire aura fait 3 morts :

 -      la fillette

 -      christian Ranucci

 -      le jeune juge qui a bouclé le dossier

Qui oserait réfuter l’idée que ce magistrat père de famille n’ait pas pris sciemment des risques pour sa vie, afin de se racheter de celle christian Ranucci pour laquelle il n’avait rien fait. Laisser des lacunes au dossier dans ce genre d'affaire, c'est impardonnable.

La suite de sa carrière est une roulette russe. Quand on reprend les méthodes du juge Renaud abattu par les truands, on sait par avance que l’on risque de finir comme lui.

Le film sorti en 2014 sur sa vie le voit comme un être pétri d'humanité. Il poursuit avec acharnement les trafiquants de drogue. Le décès de jeunes gens d'une vingtaine d'année le remplit d'une fougue que rien n'arrête.

Plus que la nécessité de réprimer le crime, il ressent le besoin impérieux de protéger les victimes. Sauf que question victimes, lorsque l'on se drogue, c'est qu'on le veut bien. Au début tout au moins.

Dans   quelle mesure ces jeunes gens ne lui rappelaient-ils pas le souvenir terrifiant de christian Ranucci ? Lui aussi n'avait que 20 ans.

Tous les toxicomanes que ce juge croisait dans son bureau étaient comme chrisitan Ranucci : des condamnés à mort en sursis.

"Si j'en sauve un ou une de la drogue, peut-être que je me rachète de la mort de Ranucci."

C'est le calcul qu'il pouvait alors fomenter derrière les dossiers qui s'empilaient sur son bureau.

Un "shoot" juste pour "essayer" ou faire "comme les copains" peut conduire à devenir toxicomane. Mais un délit de fuite ne fait pas de vous un criminel. Ceux qui clament cette évidence prennent le contre-pied des propos de l'inspecteur ayant conduit l'affaire.

Facile à dire. Le juge n'est plus là pour en parler. Mais vous croyez sans doute que Ranucci aurait cogité une vengeance posthume en préparant sa phrase ?

Il en avait tout le temps en prison. Et d'ailleurs c'était bien son style.

Il suffit de lire les courriers qu'il a laissés. Loin des tumultes de la haine, c'était un esprit affuté qui savait parfois prendre du recul sur les situations.

Et Rappelons ce qu'il griffonne dans son box durant le procès : il calcule le montant des dommages et intérêts qu'il pourrait réclamer pour l'erreur judiciaire. Le gain lui permettrait de partir avec sa mère en Amérique du sud pour y vivre dans une hacienda.

Christian Ranucci n'aura jamais galopé librement dans les plaines de la pampa. Si ce n'est par l'esprit. Mais d'autres resteront prisonniers de leur mauvaise conscience.

Jusqu'à leur dernier souffle. 

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