l'éphéméride

 

L ephemeride 01

au commencement de l’affaire Ranucci, le procès-verbal de découverte du couteau est daté de la veille

 

et si l’explication tiendrait

à un week-end « à rallonge » ?

 

 

 

L ephemeride 02décalage

 

Nous l’avons déjà tous déjà entendu au travail : «  j’ai l’impression d’être un lundi ».

C’est ce qui arrive lorsque le 1er jour de la semaine ouvré commence au mardi. Le lundi de la veille a été fériée et chômée.

 

Cette sensation de décalage, les policiers de Marseille l’éprouvent certainement. Comme tout le monde en France en ce mardi 4 juin 1974. Quiconque reprend le travail après un lundi de Pentecôte.

A une différence près. Les policiers de Marseille sont moins préoccupés par ce décalage, que par l’enlèvement d’une petite fille la veille.

 

 

 

L ephemeride 03reprise

 

Reprendre le travail après 3 jours de congés :

c'est toujours une situation qui a de quoi nous désorienter.

Cela procure le désagrément  de perdre ses repères chronologiques. Tout comme pour un changement d’horaires. Notre horloge interne accepte mal ce déphasage.

 

Sortir d'un week-end de 3 jours suffit-il pour se tromper dans la date d’un procès-verbal ? On a bien le droit d’en douter. Mais l'objection vaut surtout d'un point de vue contemporain, quelques décennies plus tard. Dans notre monde dit « connecté », l'erreur est plus difficile à comprendre.

 

 

 

 L ephemeride 04repères

 

L’homme d’aujourd’hui qui vérifie qu’il n’arrive pas en retard à son travail jette un coup d’œil à sa montre « connectée ».

 La date du jour s’affiche systématiquement à côté de l’heure.

Mais s’il n’a pas encore opté pour cette montre « high tech », la consultation de son téléphone mobile lui fournira la même indication.

Arrivé à son travail, son doigt allume instinctivement l’ordinateur. En cliquant sur « l’icône » de l’heure, un agenda s’ouvre dans un coin de l’écran. La date du jour s’affiche en surbrillance.

Difficile dans ces conditions de se tromper. Surtout que ces appareils font les mises à jour automatiquement.

C'est inhérent au progrès. Mais comment cela se passe-t-il en 1974 ?  

 

 

 

L ephemeride 6rituel

 

 En 1974, personne n’a bien sûr d’appareil connecté.

Et quand le policier arrive à son bureau le matin, ce n’est pas la machine à écrire qui lui fournira le jour et l’heure.

Mais l'homme a son rituel. Et pour tout le monde c'est un automatisme. Sa main sans même que le regard l’accompagne arrache une feuille sur le calendrier éphéméride accroché au mur. 1 feuille tous les matins, 2 en revenant de week-end. Un acte qui devient vite un réflexe avec le temps.

Et c’est bien là le problème : cet acte est automatisé et par conséquent absent de réflexion. Si l’on se croit « comme un lundi » un lendemain de Pentecôte, alors on oublie de retirer une feuille supplémentaire. C'est-à-dire qu'il faudrait en arracher 3 sur le calendrier, et pas seulement 2. Sinon, on se retrouve toute la semaine, voir plus, bloqué à la date de la veille.

Mais « l’hommo soixante-dix-cus » a un autre cérémonial d’arrivée au travail. Il n'y a pas que le calendrier que l’on effeuille. Un autre indicateur du jour désormais disparu est en bonne place sur le bureau.

 

 

 

L ephemeride 06réflexe

  

En 1974 trône systématiquement sur tous les bureaux un objet aujourd’hui  d'un autre temps. Il s’agit de l’éphéméride perpétuelle.

Voilà un joujou que les moins de 20 ans peuvent comprendre. Car le principe est fort simple. Une pichenette sur le cadran et on change de jour. Deux tours sur lui-même du petit boîtier de métal, et le week-end est derrière soi.

 

Le fonctionnement diffère du calendrier à effeuiller. Mais son utilisation relève du même principe. C'est tout autant un acte que l’on réalise inconsciemment. Un geste aussi mécanique que tourner une clef dans une serrure.

 

Il n’est pas certain que celui qui prend ses fonctions au matin du mardi 4 juin 1974 ait le bon réflexe. Ou disons plus justement "l'anti-réflexe". Songe-t-il à impulser les 3 pichenettes de rigueur ? Sans cela, la date correcte du jour ne sera pas affichée sur son bureau.

 

 

 

L ephemeride 07décalage

  

La sensation de déphasage temporel est un phénomène vécu collectivement.

L'étrange impression est renforcée si l’occupation de la semaine est conséquente.

Dans le cas d’un surcroit d’activité, les 4 jours de la semaine en paraissent alors 5. Et de manière trompeuse, tout semble « rentrer dans l’ordre ».

 

La 1ère semaine de juin 1974 connait une véritable effervescence à l’hôtel de police de Marseille. Les coups de téléphone fusent pour mettre la pression sur les enquêteurs. Il faut coûte que coûte  retrouver un meurtrier. Pas question de se cantonner aux horaires classiques de bureau.

Il y a d'abord ceux qui participent à la garde à vue. Elle va durer 18 heures. Ceux-là, c'est certain, ils y perdent vite leurs repères temporels.

 

 

 

L ephemeride 08conséquence

 

Nul ne pourra dire ce qu'il y avait dans le bureau où a été tapé à la machine le PV du couteau « Virginia-Inox ».

Une éphéméride papier ? Ou en métal ? Ou les deux ?

Peut-être n’y avait-il ni l’un ni l’autre. Mais en jetant un coup d’œil au semainier d’un agenda, si le mardi on se croit « comme un lundi », tout s'invertit. Au jour du jeudi 6 juin 1974, on est encore persuadé d’être resté au mercredi 5.

 

Voilà une explication qui devrait faire plaisir à ceux qui ne voient aucune machination à un procès-verbal antidaté. Même si le sérieux et la rigueur du travail policier s’y trouvent au passage épinglés.

Cette explication tellement simple, certains auraient dû y songer. Ainsi aurait-on évité une justification aussi tardive que déroutante. A savoir quand en 2004, on nous explique, caution de magistrat à l'appui, qu’il est tout à fait normal de dater le PV d’une pièce à conviction à la veille de sa découverte ! Et on prétend que le ridicule ne tue pas...

 

 

 

L ephemeride 09conclusion

 

En 1974, on pouvait facilement se tromper sur la date du jour.

Les machines n’avaient pas encore remplacé la faillibilité humaine.

L’erreur de date pour un scellé a pu être due à un week-end de 3 jours. Le congé supplémentaire a bouleversé les petites habitudes des fonctionnaires de Police. Un phénomène amplifié par un surcroit d'activité.

Accordons-leur plus d’indulgence qu’au légiste. Lui ne fournit aucune date ni heure de décès dans son rapport d’autopsie.

Et souvenons-nous des affres de christian Ranucci durant son interrogatoire. Le pauvre est bien incapable de fournir des horaires sur ses occupations du lundi de Pentecôte. Et pour cause, pour son malheur sa montre est en réparation. Quant à l’horloge à quartz du tableau de bord de sa Peugeot 304, elle ne fonctionne pas ! 

 

Durant toute cette affaire, l’imprécision aura été l’ennemie de la vérité. Et même au final, un malheur implacable pour l’accusé.


 

 

 

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