l'illusion cinétique
Le 3 juin 1974, un couple poursuit en voiture la Peugeot de christian Ranucci.
Ils ramènent un numéro de plaque
d’immatriculation, et le témoignage
de ce qu'ils auraient vu.
Ce qu'ils prétendent avoir vu prête à polémique.
Pourrait-il s'agir d'une forme d'illusion cinétique ?
illusion
Tout le monde a déjà été sujet à une illusion visuelle liée au mouvement.
Il suffit d’avoir pris le train.
Vous êtes confortablement assis dans un wagon qui semble démarrer. En réalité, c’est le train que vous voyez sur l’autre voie qui part en sens inverse. C'est la forme d'illusion cinétique la plus connue.
Un autre effet d'optique similaire intervient quand votre propre train roule. Vous voyez par la fenêtre un autre train qui circule en même sens, à même vitesse sur la voie immédiatement à côté. On voit que le train est animé de mouvements. Mais il donne l’impression de faire du sur-place.
Quel rapport me direz-vous avec l’affaire Ranucci ?
Le lien est que toute personne en déplacement véhiculé a une observation faussée. Surtout sur un coup d'œil furtif.
vision
Le couple qui prend en chasse la Peugeot 304 passe à proximité du véhicule qui s’est arrêtée sur le bas-côté.
La brièveté de cette vision limite par elle-même la possibilité d’une distinction nette de la situation. Mais en plus, elle ne permet pas d’apprécier le mouvement.
Prenons un exemple concret. Vous connaissez peut-être la route qui mène à Tulle, ville bien connue de Corrèze ? Ça descend vite, même très vite.
Et voici ce que votre narrateur a pu apercevoir à vélo en passant près d’un jardin :
Qu’est-ce que cela peut bien être ? Cette forme ovoïde noire qui se détachant d’une sphère blanc écrue pourrait bien être un mouton :
Le mouton, c’est l’interprétation immédiate que fournit mon cerveau. C’est également l'idée spontanément avancée par certaines personnes à qui la 1ère photo est présentée.
Mais si l’association forme-couleur offre une déduction automatique, la réflexion vient la contrecarrer.
le mouton a de quoi surprendre car :
1 - cette variété de bovidé à tête noire n’existe pas en Corrèze
2- un mouton dans un jardin ? Comme animal de compagnie ce n’est guère courant depuis le Trianon de Marie-Antoinette
Mettant pied à terre, je vais vérifier :
Il faudrait être cruche pour voir que ça n’en est pas une !
Pourtant de loin, à pleine vitesse, en voyant l'objet de face, l’impression est saisissante. Le fait que l’on n'ait pas le temps d'évaluer si la forme est inerte ou en mouvement joue pour beaucoup.
C’est le même type d’association visuelle qu’a pu faire l’observatrice le 3 juin 1974.
interprétation
Depuis le véhicule que son mari conduit, la témoin voit l’automobiliste penché vers l’arrière de son véhicule.
Que peut-il bien faire ?
Le cerveau de l’observatrice fait l’association la plus évidente : il ouvre la portière arrière.
Il y a en effet une probabilité très réduite qu’il soit en train de :
- vérifier ses clignotants
- reboucher le réservoir
- inspecter des éraflures
- changer une roue, etc …
Dans le cas présent, s’il s’agit bien de christian Ranucci. Il redresse l’aile cabossée en la tirant vers lui. Ceci lui confère une position quasi-statique.
Mais la brièveté de passage de la voiture des témoins, associée à une vision mouvante, suivant un axe de translation rectiligne, ne permet pas d’apprécier la nature du mouvement observé.
L’ouverture d’une portière qui pourtant n’existe pas reste à ce moment-là l’explication la plus simple et la plus logique du "flash mémoriel" de ce que l'on cru voir.
Cela rend bien sûr la suite problématique …
la simca
Une hypothèse est longtemps restée avancée.
La portière arrière qui s'ouvre pourrait être celle d’une Simca 1100.
Par conséquent le modèle de voiture observé par un garagiste sur le lieu de l’enlèvement.
Si par un concours de circonstance, cette voiture 5 portes se trouve là à ce moment précis, alors l’observation de la témoin redevient juste.
Mais à une condition seulement : rester prudente sur l’identification du conducteur.
témoignages
Ce n’est pas 1 mais 2 témoignages qui seraient plausibles :
|
1 |
ou |
2 |
A |
ouverture de la portière arrière |
|
pas de portière arrière ouverte |
B |
conducteur non identifié |
|
christian Ranucci identifié |
On peut pour l'occasion reprendre une expression qu’employa maître Le Forsonney, avocat de la défense. Les termes siéraient parfaitement à la situation car la témoin « donne une réponse biaisée » :
|
1 |
|
2 |
A |
ouverture de la portière arrière |
|
pas de portière arrière ouverte |
|
|
|
|
B |
conducteur non identifié |
|
christian Ranucci identifié |
On tombe sur une 3e variante totalement impossible.
synthèse
En reprenant les 2 tableaux précédents, on compte 3 possibilités de témoignage.
Seul celui qui est impossible a été retenu :
A1 |
+ |
B1 |
= |
crédible |
A2 |
+ |
B2 |
= |
crédible |
A1 |
+ |
B2 |
= |
impossible |
L'observation des témoins ne s'arrête pas à l'ouverture d'une portière, portière imaginaire s'il s'agit de la Peugeot 304. La suite du témoignage suppose une observation plus attentive.
Mais elle requiert d’avaliser des descriptions où un colis devient un enfant.
Et il faut aussi trouver concevable l’injonction surréaliste du mari à un fuyard :
« Revenez, tout peut s’arranger »
conclusion
Il n’y a qu’une seule possibilité pour que la déposition de la témoin puisse être encore recevable : que l’homme de la Simca 1100 soit le sosie de christian Ranucci.
Mais personne n’a jamais osé avancer ce cas de figure.
Et pour cause : 2 autres témoins ont vu le kidnappeur à Marseille. Ils n’ont pas retrouvé ses traits dans le suspect Ranucci quand il leur a été présenté.
Le garagiste et le frère de la victime ont pour le 1er aperçu, ET pour le 2nd vu de près l'assassin. Ni l'un ni l'autre ne l'on retrouvé "dans le "tapissage" à l'hôtel de police de Marseille où christian Ranucci figurait au milieu d'individus.
Le témoignage du garagiste comme celui de l'enfant ont une qualité essentielle : ils étaient à pied, immobiles, et non dans un véhicule en mouvement.
Qui oserait dire d'eux qu'ils ont pu être victimes d'une illusion ?
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