l'ultime recours
la dernière chance gâchée
une panne automobile
aurait pu éviter au
condamné la guillotine
grain de sable
On sait que l’affaire Ranucci est pour l’accusé une succession ininterrompue de malchances.
Mais il y en a une moins connue. Elle aurait pu faire basculer son sort à la veille de l’exécution, plutôt que l’envoyer à la bascule.
C’est un des aide-bourreau qui nous la raconte.
loi des séries
La malchance s’est acharnée sur christian Ranucci :
- des témoins à décharge discrédités ou pas consultés
- des PV de témoignages absents
- des expertises incomplètes ou discutables
- une presse intangible et une opinion publique déchaînée
- une actualité dramatique exacerbant les esprits
La procédure relève de la même mécanique implacable.
3 phases :
- condamnation
- rejet de cassation
- refus de grâce
Mais la veille de l’exécution, la machine à assassiner connaît un raté. Ou plutôt le véhicule qui transporte la guillotine. La camionnette tombe en panne au bord de l'autoroute.
On peut alors imaginer qu’il faille surseoir à l’exécution.
arcanes administratives
L’exécution d’un condamné demande une mise en route administrative conséquente, en rapport avec l’ensemble des personnes convoquées.
Que l’exécution soit annulée pour un jour donnée, et c’est tout un processus hiérarchique qui est à reprendre. Et comme la décision relève du plus haut sommet de l’état, l'avis d'ajournement remonte logiquement l’ensemble de la chaîne de commandement.
Ajourner à l'exécution, et tout est à reprendre. De là, une révision du refus de grâce peut alors être espérée.
ordalie
Au moyen-âge, pour peu que la branche d’arbre casse au moment de la pendaison, et le condamné peut espérer la vie sauve.
On y voit bien sûr un signe d'intervention divine.
Dans le cas de christian Ranucci, cette forme d’ordalie peut encore jouer. L’autorité suprême à l’origine du refus de grâce a prévu de prier à l’heure supposée de l’exécution. Si un coup de téléphone vous informe quelques heures plus tard que l'exécution n'a pas eut lieu, alors la situation est plus que troublante. Ce pourrait-il que la prière recommandant une âme en peine ait été entendue ?
Outre cet aspect non dicté par le rationnel, il y a des contingences bien plus terre à terre qui ont de quoi déranger. La sentence prononcée par le tribunal a beau être unique il est perturbant de devoir reconfirmer un rejet de grâce. Tacitement, c'est condamner quelqu’un une seconde fois à mort.
C’est peut-être pour cette raison que les procès d’assise se déroulaient en une seule instance, sans possibilité d’appel du verdict.
épilogue
Le grain de sable providentiel dans le mécanisme ne parvient pas à annuler l'échéance fatale.
Une camionnette de remplacement vient récupérer la « machine » et ses 3 assesseurs sur le bord de l'autoroute. Un motard leur ouvre la route pour qu’ils soient à temps à Marseille.
Ils doivent passer la courte nuit entre les murs de la prison. Cela aussi est prévu par le règlement.
A 4 heures du matin tout est hélas prêt.
étrange coïncidence
La condamnation à mort se fait au titre de l'article 304 du code pénal. 304, comme la Peugeot 304 de christian Ranucci.
Puisque l'affaire démarre par un accident de la route, on pourrait croire que 304 est le nombre maléfique qui l'accompagne du début à la fin de cette tragédie. C'est comme si la voiture aurait conduit christian Ranucci à la guillotine.
le bruit
Deux des avocats qui sont présents se refusent à sortir dans la cour de la prison pour assister à la décapitation.
En revanche ils perçoivent les bruits. Ils affirment ensuite avoir entendu la tête rebondir "2 fois".
En réalité, il s'agissait du rebond de la traverse du couperet sur des 2 amortisseurs de chaque côté des montants.
Cette "amélioration" technique est l’œuvre d'anatole Deibler. Deibler fut bourreau durant la 1ère moitié du XXe siècle.
Son activité d'exécuteur public ne lui prenait pas trop de temps. Aussi était-il marchand de glace le reste de l'année. Entre 2 cornets glacés il allait refroidir un condamné. Mais l'hiver il s'occupait en bricolant. Il pu ainsi perfectionner "son outil de travail".
Deibler succombe d'un arrêt cardiaque sur un quai de métro en prenant le chemin de la gare Montparnasse. ce jour là, une mission d'exécution l'appelait dans sa ville natale : Rennes.
On compare parfois les bretons au poisson symbole de leurs rivières : le saumon. Le breton est supposé plein de vigueur, tête dure, téméraire devant l'obstacle. Mais comme le saumon également, il a besoin de revenir à sa souche initiale.
Deibler n'eut jamais le temps d'arriver à l'endroit où sa vie commençait. Et où celle d'un autre aller s'arrêter 2 jours plus tard, une fois qu'un remplaçant à l'actionnement du couperet fut nommé.
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