la confrontation

La confrontation 2S'il fallait simplifier à l'extrême l'affaire  Ranucci, on peut dire que :

  - 3 témoignages l'accusent

- 3 autres l'innocentent

 

Le pour et le contre ont-ils le même poids sur chaque plateau de la balance ?

 

 

 

La confrontation 02exonération

 

3 témoins évoquent un rôdeur approchant les enfants.

Et ce rôdeur ne peut pas être christian Ranucci.

Les 3 témoins qui l'affirment sont un garagiste, un concierge et une femme au foyer.

La confrontation 4

Ces 3 personnes :

- ne se connaissent pas

- habitent des arrondissements de Marseille différents

- n'ont aucun lien entre elles

C’est une chance de recueillir des témoignages qui ne sont pas soupçonnables de connivences.

Comme on dit aujourd'hui : "ça match !"

Et pourtant, aussi édifiant que cela puisse paraître, aucune de ces 3 personnes ne sera entendue par la juge d’instruction. Leur déposition restera uniquement enregistrée par les services de police.

 

En revanche, pour ce qui est des 3 témoins à charge, ces privilégiés ont droit à plus d’égard.

 

 

 

Le couple maudit 08charges

 

christian Rannuci avait-il un passager dans sa Peugeot 304 ?

Dans ce cas il est forcément coupable.

3 témoins affirment qu'il y avait quelqu'un.

Sur ces 3 personnes, 2 forment un couple marié vivant à Toulon. Ils seraient tentés de parler d'une même voix. Et c’est bien ce qu’ils font.

La confrontation 6

Le 3e intervenant est un surveillant d’internat habitant Aix-en-Provence. Cet aixois circulait en voiture avec sa fiancée. Mais de cet autre couple, lui seul sera convoqué à l’instruction et au procès.

Est-il totalement indépendant des témoignages des 2 toulonnais ?

 

 

 

La confrontation 06retrouvailles

 

Le 10 juin 1976, le conducteur accidenté n'est pas entendu seul  par la juge d'instruction.

 Dans le bureau, il prend place avec le couple de toulonnais. Dès le départ, cette audition collective compromet l'indépendance des témoignages. De même qu'il empêche les croisements d'informations qui seraient recueillies.

Est-il totalement de mauvaise foi de considérer que dans ses conditions, on s'arrange pour qu'il racontent tous la même histoire ?

 

L'idéal aurait bien sûr été que chacune de ces personnes soient reçues par la juge, une par une, séparément. Ce serait d'ailleurs l'intérêt du magistrat s'il veut garantir du crédit à son instruction.

Et pourtant tout ce beau monde est reçu le même jour, à la même heure, et dans la même pièce !

 

L'inculpé est aussi dans le bureau, puisqu’il s’agit d’une confrontation.

Des conditions d'audition aussi partiale, on a peine à y croire. Et pourtant, elles sont attestées par une description précise du conducteur aixois.

Va-t-il être parti prenante à une union sacrée contre l’inculpé ?

 

 

 

Le chroniqueur 05 mincoup de pouce

 

Mettons-nous un instant dans l’esprit de ce surveillant d’internat d'Aix-en-Provence.

Sa voiture a été accidentée par un fuyard. Ce même fuyard s’est fait attrapé. Le voilà présent dans le bureau. Gageons que même sans l'étiquette de criminel, le personnage lui inspire une aversion compréhensible.

 

 Mais dans ce même bureau, présence réconfortante, l'aixois retrouve aussi ses 2 « sauveurs ». Des citoyens responsables : ils se sont arrêtés sur le bord de la route pour venir lui prêter assistance.

Peut-il décemment se permettre de les "trahir" en contredisant leur propos ?

 

 

 

La confrontation 9Janus

Notre aixois se retrouve entre 2 camps. 

A ses côté, le couple auquel il a dit merci. Il n’en reste pas moins redevable envers ces citoyens qui ont fait preuve de solidarité.

Sur son autre côté, accompagné d'un gendarme, celui qui a embouti son véhicule. La Renault 16 qu'il a eu tant de mal à payer avec son modeste salaire de pion en lycée.

Outre l'animosité compréhensible qu'il peut ressentir, comment peut-il accorder le moindre crédit aux propos de "l'autre". Ce lâche qui a commis le délit de fuite.

 

Notre axois choisit son camp sans dilemme. D’autant plus que le couple de toulonnais a une allure soignée et rassurante. Leur apparence conforte l’impression de droiture des gens « biens ».

Notre homme l'a compris : c'est le moment idéal d'être redevable à ce couple si serviable. A son tour de faire preuve de solidarité. Même si au final, prudent, voir timoré, il se contente a minima de lâcher à la juge d'instruction :

" il y avait peut-être une forme sur la banquette arrière de la voiture de christian Ranucci."

Aux gendarmes il avait pourtant déclaré qu'il n'avait vu personnes. Et des années plus tard il racontera qu'il y avait quelqu'un, ... mais sur le siège avant.

Mais en 1974, dans le bureau du juge d'instruction, il est "raccord" avec les deux autres témoins. C'est ce qu'on appelle communément "un renvoi d'ascenseur".

Mais pour christian Ranucci, présent dans la pièce, ce sera "ascenseur pour l'échafaud", s'il faut parodier un film louis Malle.

 

 

 

La confrontation 09témoin de témoin

9 mars 1976. Donc presque 2 ans après l'instruction.

Le procès Ranucci s'ouvre au tribunal d’Aix-en-Provence.

C’est la ville où réside le surveillant de lycée. On ne peut pas faire mieux pour lui.

Les 2 autres témoins à charge doivent en revanche faire la route depuis Toulon.

Et pourtant, c'est ensemble que l'on voit le trio arriver au tribunal. Une photo diffusée dans la presse l’atteste. On peut dire que cette histoire a renforcé les liens.

 

Mais cette visible cohésion ne s’arrête pas là. Quelques 30 ans après l’affaire, le toulonnais, directeur commercial, est interrogé sur un cafouillage. Il s'agit des déclarations qu’il aurait tenues avec son épouse aux policiers. Le fameux « paquet » qui au fil des auditions se transforme en enfant, et qui finalement parle.

Lui récuse catégoriquement ces variations :

" Quand je suis arrivé je leur ai dit :

il y a deux personnes, un jeune et un môme."

Faut-il le croire ?

Un témoin peut selon lui le confirmer : le conducteur de la voiture accidenté !

 

 

 

La confrontation 10comparaison

 

On constate que les 3 témoignages d'accusation « se tiennent les coudes ».

Pourquoi ne s’être pas plutôt intéressé plus aux témoignages à décharges ? Eux offrent au moins une garantie d’indépendance qui manque aux accusateurs.

Hélas, leur personnalité moins valorisante tend à les reléguer en second plan. Leur intervention au procès montrera d’ailleurs qu’ils ne sont guère à l’aise face à des contradicteurs.

 

Rappelons que les 2 hommes qui peuvent aider la défense sont des manuels : un garagiste et un concierge.

Tandis que les 2 hommes reçus par la juge d’instruction sont des lettrés : l’un est directeur commercial, l’autre étudie.

Et les femmes ? Elles sont toutes deux femmes au foyer.

Sauf que celle qui accuse de visu christian Ranucci est l’épouse du directeur commercial, et s’affiche en manteau de fourrure.

La ménagère qui a voulu dédouaner l’accusé est quand à elle marié à un docker, et son fils ainé est incarcéré.

 

On réclame souvent des témoins de moralité pour la défense des inculpés. On apprécie tout aussi logiquement la qualité des témoins à leur mode de vie. Ceux à décharge vivent dans des quartiers populaires. Ils n’ont hélas pas le standing des accusateurs.

Lesquels selon vous donnent l’impression la plus positive au tribunal ?

 

 

 

Le parloir 13conclusion

 

3 témoins d'audition en même temps, ça permet d'aller 3 fois plus vite.

Ainsi le dossier d’instruction s'évite d'éventuelles contradictions. Il suffit de faire parler les témoins à charge d’une seule voix.

Le procédé est aussi condamnable qu'expéditif. Ce n'est rien par rapport à la vitesse où se fera 2 semaines plus tard la reconstitution.

Qu'on ne s'étonne pas au final que l'instruction soit bouclée en à peine 6 mois.

 

Les 3 témoins à décharge ont été laissés sur la touche durant l'instruction. Mais ils ont au moins droit à une compensation. Une forme de justice non négligeable : la quiétude d'esprit. Eux n'ont jamais été agités par un sentiment de culpabilité.

L'exécution de christian Ranucci en 1976 marquera pour les 3 autres témoins, ceux de l'accusation, le début d'années de tumulte intérieur.

 

 

 

 

 

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