le hasard

ne pas y croire est hasardeux

 

Le hasard 01"le hasard fait parfois

bien les choses"

parfois seulement ...

 

pour christian Ranucci,

c'est comme si les dés étaient pipés

 

 

 

Le hasard 02le coupable

 

Il fait très chaud en  ce mois de juillet 1998 lorsque je me rends au carrefour de la Pomme près de Marseille.

Le croisement des deux routes y est toujours aussi dangereux, pour celui qui aurait le malheur de ne pas respecter le stop. En revanche, la départementale sinueuse qui mène au milieu des garrigues et des pinèdes à tout le charme de la Provence. Avec le crissement des cigales pour l'ambiance sonore.

Les habitations sont rares dans le coin. Les occupants d'une maison qui se trouve sur mon chemin semblent intrigués.

 

"Bonjour. Vous cherchez quelque chose ?"

"Bonjour, le chemin de la champignonnière, s'il vous plait."

 

Ils prennent le frais sur leur terrasse et me proposent de boire quelque chose. Comme il fait très chaud l'invitation ne se refuse pas.

Sans faire de mystère, je leur explique que j'enquête sur l'affaire Ranucci. Ce nom n'a pas été oublié dans le pays. J'ai pu le constater avec les quelques marseillais rencontrés auparavant. A ceux qui m'accueillent, je ne cache pas que je crois à son innocence.

"D'accord" me dit la maîtresse de maison "mais si c'est pas lui qui a commis le crime, c'est qui alors ?"

La réponse est simple : il n'y a que dans "commissaire Moulin" et "inspecteur Navarro" que l'on trouve toujours le coupable à la fin. L'argument a l'air de convaincre. Je rajoute les quelques descriptions de l'homme au pull-over rouge. Tel que l'ont aperçut des témoins. Histoire d'offrir une visualisation du maraudeur des cités marseillaises qu'il aurait fallu arrêter.

 

C'est la rencontre avec ces personnes qui m'incitera des années plus tard à créer le blog " Christian Ranucci : la possible vérité ". Les gens attendent maintenant des réponses, plutôt que des doutes et des interrogations.

Je repars avec le sentiment de les avoir convaincus. Mais la rencontre suivante me laisse totalement démuni.

 

 

Le hasard 03l'employé

 

Il n'est pas facile de trouver la bonne entrée de mine dans laquelle christian Ranucci s'est embourbé.

Car il y en a en effet plusieurs.

 

Arrivé sur une esplanade, des amoncellements de tourbe indiquent que l'endroit est toujours exploité. Vient le moment prévisible où quelqu'un vient s'enquérir de ma présence en ces lieux.

 

Approximativement âgé entre 40 et 50 ans, de type magrébin, l'individu est plutôt sympathique. Loin de me chasser, il me propose même de me faire rencontrer monsieur Rahou. C'était l'homme à qui christian Ranucci était venu quémander de l'aide. Il me précise que ce monsieur est maintenant âgé et parle assez mal le français. Je décline l'invitation, par crainte de raviver des souvenirs délicats.

 

En revanche, je demande à l'employé s'il a ses propres souvenirs de l'affaire. Bonne pioche : il se trouve qu'il travaillait déjà à la champignonnière en 1974 ...

 

 

 

Le hasard 04inquiétudes

 

"A l'époque, nous les gars de la champignonnière, on a tous eu peur pour nous dans cette histoire."

L'employé m'explique l'état d'esprit qui régnait au milieu des années 70.

"Pour la plupart, on venait du bled. Y'avait pas trop de problème avec les papiers. Qu'on en ait ou pas, du moment qu'on avait un boulot, on viendrait pas nous embêter."

Son ton devient plus confidentiel :

"En revanche avec cette histoire de cadavre trouvé à côté, on n'était pas trop rassurés. Des hommes qui vivent seuls, des jeunes, et qui viennent d'ailleurs : les têtes de coupables idéals.

On a donc dû plus ou moins se cacher, au moment de l'enquête. Tous ces flics d'un seul coup dans un endroit où on les voyait jamais. Fallait pas trop sortir, être discret. Personne n'avait trop envie d'avoir à répondre à des questions."

Je lui demande son avis sur christian Ranucci. Il marque un temps d'arrêt avant de me répondre :

"Pour moi, il est coupable."

 

 

 

Le hasard 05coïncidence

 

"Oui, pour moi il est coupable."

C'est ce que me répète l'employé.

Comme il ne donne pas plus de détails, c'est moi qui l'invite à justifier cet avis.

On, peut s'attendre à la réponse : "si c'est la justice qui l'a dit, alors c'est vrai", ou quelque chose dans le genre. Mais l'argument qu'il avance a de quoi prendre totalement au dépourvu :

"Y'a rien dans le coin, à part la champignonnière."

Il faut bien reconnaître que l'endroit est peu fréquenté et peu habité. Mais quel rapport avec l'affaire ?

"Y'a rien dans le coin, et il ne se passe jamais rien non plus. Alors deux choses qui se passent au même moment au même endroit, je crois pas au hasard."

L'employé de la champignonnière poursuit :

"Un type qui prend le fuite après un accident, et un cadavre qui est retrouvé pas loin juste après : pour moi ça peut pas être du hasard."

Reconnaissons que la réflexion de cet ouvrier fongicole est pleine de bon sens. ça change de certaines théories alambiquées pour justifier les incohérences de l'enquête officielle.

 Lui ne croit tout simplement pas au hasard. Pour autant, cela reste une conviction, et pas un fait objectif.

 

 

 

Le hasard 06le lien

 

Peut-on vraiment parler de hasard ?

Il y a plus d'acharnement que de hasard quand on fait à tout prix le lien entre deux évènements en des endroits différents. En l'occurrence la découverte du corps d'une fillette d'une part, et d'autre part un accident de la circulation 1 km plus loin.

Un accident avec une Peugeot 304.

"Pourquoi tu nous embêtes avec ta Peugeot " répondent les gendarmes de Gréasque à henri Gazzone le 4 juin 1974. Son tracteur avait la veille sorti la voiture du tunnel. "Nous ce qu'on cherche, c'est une Simca".

Les gendarmes refusent dès le départ la piste de la voiture embourbée dans la champignonnière. Pourtant, elle fait l'affaire d'autres auxiliaires de justice. Les policiers de Marseille veulent manifestement voir un lien possible entre le meurtre et un accident routier. C'était le même jour à  1km de distance. Quand bien même ce n'est pas la marque de voiture recherchée.

 

En matière de hasard, on pourrait également évoquer le lieu de l'enlèvement. C'est par une coïncidence tout à fait fortuite qu'à côté de la cité saint-Agnès habitait maurice Benvenuti. L'un des copains d'armée de christian Rannuci, et à qui il voulait rendre visite.

Christian Ranucci a deux lieux de passage communs avec le parcours du meurtrier le même jour. Cela pourrait suffire à nous faire croire à tout autre chose que le simple concours de circonstance.

Pourtant l'actualité récente nous a présenté une situation encore plus déconcertante.

 

 

 

Le hasard 073 points

 

" Le hasard est l'ombre de Dieu », dit un proverbe arabe. 

Ceux qui prétendent s'en réclamer commettent un carnage le 13 novembre 2015 à Paris.

 

En marge des attentats se noue une incroyable coïncidence. Une situation à côté de laquelle les "hasards" du parcours de christian Ranucci le 3 juin 1974 font bien pâle figure.

 

Aujourd'hui, le téléphone permet de suivre les gens presque à la trace. Il en est ainsi d'un mobile qui va sonner à Saint-Denis le 13 novembre 2015, au moment même où 2 kamikazes se font exploser devant le stade de France.

Puis le téléphone est repéré dans le centre de Paris, alors que les terrasses y sont mitraillées.

Enfin, le mobile déclenche près de la salle de spectacle "le Bataclan" où se déroule une tuerie. 

 

Vu l'ampleur que prend l'usage du téléphone, parfois même obsessionnel chez certains de nos contemporains, on peut encore incriminer le hasard. Mais quand il s'agit d'un téléphone dont l'abonnement est facturé en Belgique, ça commence à faire beaucoup.

Les terroristes venaient du quartier bruxellois de Molenbeek. 2 jours plus tard, alors que les assassins sont encore recherchés, le téléphone sonne à Bruxelles.

Enfin, quand une fadette nous apprend que 10 jours auparavant, ce téléphone avait servi à contacter le logeur des djihadistes à Saint-Denis, on se demande ce que l'on va encore trouver.

 

On découvre en fait que ces appels concernent une jeune femme venue de Belgique. Elle devait retrouver son compagnon dans le 18e arrondissement pour le week-end. Ce téléphone de seconde main avait servi auparavant à quelqu'un qui connaissait le logeur de Saint-Denis.

 

Gardons pour l'anecdote, que par un autre concours de circonstance, tout cela s'est passé un vendredi 13.

 

En résumé, pour l’adepte des complots, l’affaire est entendue :

 

1

            

même lieu de départ que les terroristes : Molenbeek

2

passage à proximité des 3 lieux d’attentat au moment fatidique

3

possession d’un téléphone ayant servi à contacter la personne qui   a hébergé les terroristes

 

On retient finalement de cette série de coïncidences extraordinaires qu’elle débouche sur une histoire banale de rencontre entre un homme et une femme. Claude Lelouch pourrait en faire un film.


Mais il y a une autre situation qui elle peinerait à pouvoir être mise en scène, de l'avis même d'un fameux avocat.

 

 

 

Le hasard 08  incroyable

 

" Vous vous rendez compte.

  Le type qui croit qu'il est gracié.

  Alors qu'il l'est pas.

  Où le destin va-t-il trouver

  des choses pareilles ?"

 

Ainsi s'exprime maître Collard en parlant de la fausse annonce de grâce à christian Ranucci. Celle annoncée par erreur à la radio, et qu'il a pu entendre dans sa cellule.

 

" On écrirait un scénario qui rapporterait tout ça, on dirait :

- mais vous êtes trop loin de la réalité. Corrigez !

Et pourtant c'est vrai ... "

Et ce n'est pas la seule situation improbable mais véridique qui accompagne l'affaire Ranucci.

 

 

 

Le hasard 09coïncidences 

 

Gilbert Collard relate l'aspect le plus terrifiant du parcours judiciaire de christian Ranucci avant l'issue fatale.

Mais d'autres situations relèvent d'un acharnement du destin qui a de quoi laisser perplexe :

 

décembre 1974

   

En cours d'instruction, un autre avocat est délégué par le bâtonnier pour seconder le novice face à la juge impétueuse.

Trop tard, elle est nommée ailleurs.

17 février 1976

Patrick Henri est arrêté pour le meurtre d'un enfant.

Un climat délétère pèse 3 semaines plus tard à l'ouverture du procès Ranucci.

9 mars 1976

Un des jurés tiré au sort est écarté de la sélection finale.

Pas de chance, il était membre de la ligue des droits de l'homme et donc abolitionniste.

26 juillet 1976

La grâce est présentée devant le président de la République.

Au même moment un enfant est enlevé et assassiné dans la région Provence.

 

Et il y a bien sûr l'épisode évoqué par gilbert Collard. Un étourdi avait oublié de débrancher une télé et une radio du télex AFP pour un essai de transmission annonçant la grâce.

On en était tellement sûr que ça tomberait !

 

Et c'est le couperet qui est tombé ...

 

Un scénario improbable nous dit gilbert Collard.

Mais comme dans tous les films, on place vers la fin le grain de sable pour relancer le suspens. Il arrive avec la camionnette transportant la guillotine qui tombe en panne sur l'autoroute.

 

Tous ces hasards successifs, aussi incroyables soient-ils, sont absolument incontestables.

Qui dans ce cas oserait affirmer que d'autres coïncidences dramatiques ont pu coller à christian Ranucci l'étiquette de suspect ?

 

 

 

Le hasard 10comparatif

 

Nos policiers d'aujourd'hui ont scrupuleusement vérifié les hasards extraordinaires du vendredi 13 novembre 2015.

Sinon les 2 tourtereaux de ce week-end fatidique auraient dormi en prison. Séparément bien sûr.

 

Si la même rigueur dans l'enquête avait été observée en 1974, le sort de christian Ranucci en aurait pu être changé.

A minima, vérifier que les « taches brunâtres » sur le couteau n'était pas tout simplement de la terre coagulée par la sève.

 Pareil pour les tâches de sang sous la poche du pantalon. Peuvent-elles provenir du tranchement d'une carotide ?

Et ne parlons pas de l’autopsie sans heure de décès. Ou les scellés tous datés du même jour.

Toutes ces approximations montrent qu'on s'est arrêté aux apparences : il peut être coupable, donc c'est lui. (sic)

 

 

 

 

La poursuite 13conclusion

 

 

Il y a beaucoup de coïncidences dans l'affaire Ranucci. Pour autant, on en a vu des plus extraordinaires.

Dans l’affaire Ranucci, une pièce à conviction a au moins été correctement vérifiée : le pull-over rouge. Il faut dire que c'était facile. Il suffisait de le faire essayer.

La coïncidence est flagrante : le pull est de la même couleur que celui porté par le satyre des cités marseillaises. Mais vérifications faites, il n’est pas à la taille de celui que l’on a arrêté.

Ce pull était donc bien dans la champignonnière ... par hasard. En tout cas sans lien avec l'inculpé.

Du coup, on veut le faire oublier. Le subterfuge tient jusqu'au procès, et même un peu après.

Mais aujourd’hui ce pull symbolise à lui seul toute l’affaire Ranucci. Il illustre les éléments contradictoires qu'on écarte sitôt qu'il mettent le doute sur la culpabilité.

Malgré cela, et même à cause de cela, ce pull est rentré dans l'histoire des grandes affaire judiciaires. Et ça, ce n’est pas du tout dû au hasard…

 

 

 

      

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