le duel
FICTION
un policier très sûr de lui raconte le déroulement de l’enquête à un journaliste pointilleux
scène 1 (plan large)
Jovial, l’inspecteur de Police ouvre la porte de son bureau au journaliste.
Le policier est ravi que l’on envisage d'écrire sur cette enquête à laquelle il a collaborée. Son enthousiasme l'amène à anticiper les questions. La couverture du livre, il s’y verrait presque en photo.
Très sûr de lui, l’inspecteur reste debout, et marche de long en large avec force de gestuelle pour raconter son histoire.
Ses propos en off sont illustrés par des images cernées d’un léger flou. Ainsi on voit défiler les images de l’enlèvement tel qu’il le raconte. Le montage est saccadé comme s'il n'y avait pas besoin de détailler le déroulement.
Le journaliste quant à lui est filmé en contre-jour. Quand il pose ses questions, ce sont d’autres séquences qui apparaissent d’une manière furtive, dans une teinte d'un style Sépia jaunâtre.
L’inspecteur poursuit sa narration toujours en arpentant son bureau. Il évoque les témoins apercevant le kidnappeur extrayant l’enfant par la portière arrière.
« Pourtant , il n’y a pas de portière
arrière sur la Peugeot 304 . »
l’interrompt calmement
le journaliste.
( une image en agrandissement rapide sur l’arrière du véhicule vient confirmer le propos )
L’inspecteur s’arrête, fixe un peu perdu un point vers le sol.
« vous avez raison , … mais, … toujours est-il qu’après … »
Il reprend son récit en se dirigeant vers son bureau.
scène 2 (plan rapproché)
L’inspecteur est maintenant assis derrière son bureau.
Le plan caméra le cadre en buste. Le débit de ses paroles devient plus posé.
Il choisit ses mots prudemment. Son sourire est un peu forcé. Vient l'évocation de l’intervention sur les lieux.
« … c’est ainsi que le couteau a été retrouvé par nos collègue gendarmes à l’entrée de la champignonnière.
- Et consigné dans un PV daté de la veille
- C’est possible, … je ne me souviens plus des dates.
C’était il y a plus de 3 ans déjà, vous comprenez… »
( cette fois-ci un zoomage rapide vient cerner la date du 5 juin 1974 en haut à droite sur la note accompagnant le scellé )
scène 3 (gros plan)
La caméra finit par cadrer la bouche de l’inspecteur.
Les mots ont de la peine à sortir.
Pour bien peser ses propos, il commence prudemment ses phrases par :
« la procédure veut que … »
Ses rictus nerveux trahissent une souffrance contenue.
« - La procédure veut que les témoins soient amenés à reconnaître le suspect au milieu de policiers.
- Et la procédure prévoit-elle une rencontre de visu quand ça ne marche pas ? »
scène 4
L’inspecteur semble agacé par les questions.
Et pressé d'en finir.
Il pensait que l’on venait écrire sur une enquête exemplaire d’efficacité. Il se demande s’il n’est pas en train de se faire piéger.
Pour reprendre le fil de la conversation, c’est le journaliste qui est obligé de prendre la parole :
« - et le pull-over retrouvé à la champignonnière ?
- quel pull ?
- le pull-over de couleur rouge
- ah oui. Et vous voulez savoir quoi ?
- s’il a bien été retenu comme pièce à conviction
- ce n’était pas à proprement parlé une preuve …,
mais la présence de cet élément dans le déroulé
de l’enquête n’est pas venu en contradiction
avec les charges retenues contre l'accusé »
La voix du policier finit par se perdre sur la séquence finale qui fait se succéder des gros plans sur :
- une tempe où coule une goutte de sueur
- une main qui se crispe dans des tics nerveux
- un col de chemise que l’on écarte comme s’il devenait trop étroit
Une image de synthèse voit un couperet traverser l’écran pour le plonger dans le noir. Puis le générique de fin défile de bas en haut.
commentaire technique
Cette manière narrative de raconter l’affaire Ranucci permet de confronter des opinions contradictoires dans un même récit.
Le fait qu’une bonne partie de l’action se situe dans un bureau permet une adaptation pour le théâtre. Et pourquoi pas des images de reconstitution présentant des plans serrés, qui apparaîtraient sur des écrans sur les côtés de la scène.
La tension progressive entre les 2 belligérants, le policier et le journaliste, assure la montée en puissance d’un suspens continu.
véracité historique
Une confrontation au commissariat de Marseille entre un inspecteur et un journaliste a bien existé. De même qu’il est vrai qu’elle a démarré avec un certain enthousiasme pour finir de manière bien plus timorée.
Mais de bout en bout le policier s’est parfaitement contrôlé.
« Vous connaissez drôlement bien l’affaire » dira-t-il au final.
Et pourtant cette contre-enquête journalistique ne faisait que commencer.
La fiction proposée dans le récit est une extrapolation. Elle part du principe que la synthèse des arguments mettant en doute la culpabilité est maintenant très avancée. Mais il n'y eu pas de suite à l'entretien. Hormis le témoignage du fameux "Pierrot", le mutisme reste de rigueur pour les policiers.
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