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le lien

avant l'affaire Ranucci, il y eut lucien Léger

 

Le lien 210 ans avant l’affaire Ranucci, un rapt d’enfant avec meurtre est élucidé par la police parisienne. En arrêtant lucien Léger en 1964, la preuve irréfutable qu’il a rencontré la victime est établie.

Mais en juin 1974, les policiers de Marseille cherchent-ils aussi le lien entre la victime et le meurtrier ?

 

 

 

Le lien 3les faits

 

 

Les affaires Léger et Ranucci démarrent de la même manière. Un rapt d’enfant où l’on retrouve le corps mutilé dans la nature.

En 1974, l’affaire Léger est encore dans tous les esprits. Surtout qu’à peine 5 ans auparavant sort au cinéma une adaptation des faits.

Mais ce que savent avant tout les policiers marseillais, c’est la manière dont le coupable est confondu en 1964.

Les vêtements, le contenu des poches, une écorchure au genou : seul l’assassin pouvait fournir tous ces détails. Egalement dans la liste des éléments inédits : un illustré en possession de l’enfant. Toutes ces informations n’avaient jamais été divulguées dans la presse.

En 1974, à l’hôtel de Police de Marseille, on sait dès le début que les aveux doivent établir « le lien », comme on l'a fait dans l’affaire Léger. Que christian Ranucci fournisse un seul élément inédit, et cela suffira à le désigner comme coupable. Un unique détail, mais qui constituerait la preuve.

 

 

Le lien 4½ heure

« la petite a dit que c’était l’heure de manger, et qu’on la ramène »

Voila en tout et pour tout ce que seraient les propos échangés sur la route entre Marseille et la commune de Pépin.

La discussion entre christian Ranucci et la petite fille tiendrait dans cette seule phrase.

 

C’est du moins ce que l’on peut croire à la lecture de ses aveux. Pourtant, en ½ heure de trajet en voiture, on en a le temps de s’en raconter des choses.

On apprend qu’il lui aurait posé des questions sur ses conditions de vie. Fort intéressant ! Voilà un sujet pouvant faire émerger l’élément inédit, « le lien », comme dans l’affaire Léger.

La fillette a 3 frères. Combien dorment-ils par chambre chez ces gens modestes ? Voilà le genre d’exemple qui permettrait de confondre christian Ranucci, s’il détient la réponse.

Pour peu que l’inculpé affirme ne pas se souvenir des propos échangés, les enquêteurs ont tout intérêt à le consigner dans les aveux. De quoi jeter la suspicion sur l’interrogé. On pensera qu’il fait de la rétention d’information pour ne pas être démasqué.

Mais ni « le lien », ni le refus de fournir de détails ne sont consignés en aveux. On imagine déjà la réaction de ceux qui n’y voient pas malice :

« ça change quoi que la gamine lui a pas dit le nom de sa poupée, ou du pitre dans sa classe ? ça fait quand même pas de Ranucci un innocent ! »

 

 

Le lien 5la voiture

 

Les rares paroles consignées en aveux de la petite n’apportent rien à l’enquête. Mais peut-être que la voiture va « parler », comme on dit dans le métier.

Il faut trouver un indice de la présence de la fillette dans la Peugeot de christian Ranucci. Le véhicule est passé au peigne fin par les experts. Pour autant, on ne récupère rien d’exploitable. Même pas le sac de bonbons ou l’un des papiers d’emballage. Car christian Ranucci est supposé avoir offert une friandise à l’enfant.

Pourtant, avec cet indice, les bonbons, nos enquêteurs pourraient au culot justifier cet étrange mutisme pendant ½ heure. Il suffit de dire que la gamine est trop bien élevée : on ne parle pas la bouche pleine ! (sic)

 

 

Le lien 6le vol

 

 

Dans l’affaire lucien Léger en 1964, sa voiture avait été retrouvée avec des traces de sang.

Il raconta que l’assassin la lui avait volée.

Une 2CV. Le ravisseur avait visiblement des goûts modestes !

 

On se demande pourquoi 10 ans plus tard, le même subterfuge n’est pas utilisé par christian Ranucci. Dire que sa voiture a été volée, cela s’impose s’il est véritablement le meurtrier.

Delà il peut aisément échafauder ce scénario :

 

Après l’accident au carrefour, il lui suffit de rentrer discrètement à Marseille pour déposer plainte en commissariat. Dès le lendemain mardi, on lui annonce que son véhicule est retrouvé dans un tunnel par des cultivateurs de champignons.

Mimant une joie explicite, il demande alors qu’on la lui rende le plus vite possible, car il en a besoin pour son « boulot ». Puis de rajouter plus tard face à sa Peugeot : « si je tenais le salaud qui a bousillé ma bagnole ! »

 

 

Le lien 7le procès

 

A son procès, lucien Léger fit sensation en annonçant le nom du « vrai coupable ».

Un type lié aux services secrets (tant qu’à y être !), un commissaire à la DST.

On se demande dans quelle mesure son « humour » ne l’a pas rendu outrageusement sympathique, et lui a permis de sauver sa tête.

 

10 ans plus tard, christian Ranucci ne fait rire personne à son procès. Il n’accuse personne non plus. Pourtant il existe une autre piste de recherche, hélas non explorée.

Car en effet, 2 témoins viennent parler d’un mystérieux rôdeur en pull-over rouge qui sévit dans les cités de Marseille. Quand au 3e témoin à décharge, garagiste de surcroit, il annonce que la voiture du ravisseur n’est pas celle de christian Ranucci.

Trois témoignages convergents pour évoquer quelqu'un d'autre que l'accusé : on se dit que ça vaudrait la peine de s’intéresser d’un peu plus près à ce rôdeur en pull rouge.

 

 

Le lien 8la gestuelle

 

 

« quelle classe ! »

semble dire lucien Léger à son arrestation, jouant à la star devant les caméras.

A moins que sa gestuelle du pouce levé vers le haut évoque l’acte de grâce du tribun romain. Du temps où la mansuétude était accordée au combattant dans l’arène. Léger n’eut même pas besoin du recours suprême pour échapper à la peine capitale.

Avec ce pouce en l’air, genre « super !», on va finir par croire les psychologues qui nous prétendent que même dans les pires moments, il faut positiver. Léger est la preuve que jusqu’à l’outrance, ça peut fonctionner.

 

A l’exact opposé, christian Ranucci scandait «négatif !», «négatif !», à chaque assertion du président de la cour, tout en frappant du poing sur le bord de son box.

Le spectacle n’a pas plus. Pour commencer au procureur : « J’aurais voulu être ému ». Et d'en rajouter sincèrement peiné « Je n’ai pas été ému ».

On se demande pourquoi ce magistrat si sensible n’a pas laissé une 2e chance au jeune homme de 22 ans qu’il avait face à lui pendant 2 jours. Une 2nde chance de l’émouvoir bien sûr. Il suffisait pour cela de venir le voir pour sa décapitation.

Trouvons une excuse à cet homme de loi qui pour rendre une justice impartiale n’en reste pas moins amateur de sensations fortes. Pour le spectacle final, pourtant émotionnellement intense de l’avis de tous les « invités », il faut se lever tôt. Beaucoup trop tôt surement pour notre procureur.

 

 

Le lien 9où va-t-on !

 

Les partisans de la peine de mort disent toujours « qu’on devrait plus parler de la victime, à défaut de pouvoir l’entendre ».

Sur ce point, ils ont bien raison. Car à lire les aveux, on continuera de s’interroger sur ce qu’aurait pu dire l’enfant sur la route qui la menait à l’issue fatale.

On sait seulement qu’au moment de gravir la colline à pied, comme on monte à l’échafaud, la fillette aurait parait-il dit à son bourreau : « Où on va ? ».

C’est tout au moins ce qu’ont prétendu 2 témoins oculaires. Les mêmes qui dans une précédente déposition parlaient seulement d’un « paquet » au lieu d’une fillette.

Ces gens « qui avait toujours quelque chose à raconter au journal « Provence » », comme les désigna philippe Lefevre, le chroniqueur judiciaire. Ces gens-là, on aurait préféré qu’ils se taisent, et se taisent pour de vrai.

 

 

Le lien 09les similitudes

 

On l’a vu, les affaires Léger et Ranucci commencent de la même manière : le rapt d’un enfant dont on retrouve le corps dans la nature.

Mais le déroulement des évènements qui succèdent au crime présentent également des ressemblances troublantes :

  • des aveux contradictoires avec les résultats d’autopsie
  • une voiture « baladeuse »
  • un suspect qui se rétracte en détention
  • un avocat qui renonce à plaider
  • un père de la victime chantre de la peine de mort
  • un procès sous tension

Les reporters et chroniqueurs judiciaires présents en 1976 au tribunal d’Aix-en-Provence ont forcément en tête le procès Léger 10 ans auparavant. Ou alors il faut changer de métier s’ils ne voient pas que l’histoire semble se répéter.

La comparaison entre les deux affaires est donc inévitable. Et la différence entre l’un et l’autre forcément saute aux yeux.

Un seul un chroniqueur radio trouve les mots justes pour exprimer ses propres doutes. 

 

 

Le lien 12l’illustré

 

 

En 1964, dans l'affaire lucien Léger, l’élément tristement resté dans les mémoires est le magazine pour enfant « buggs bunny ».

Le petit garçon avait cette bande-dessinée sous le bras quand il fut accosté par son assassin. La connaissance de cette pièce à conviction par l’accusé signait son crime.

Mais l’évocation de ce simple illustré marquait aussi l’opinion publique. Cette bande dessinée devenait le symbole de l’enfance pleine de candeur qui était foudroyée dans son insouciance. A l’image du ballon offert à l’enfant assassiné dans le film « M le maudit » de fritz Lang.

 

 

Le lien 13conclusion

 

La preuve de la rencontre entre lucien Léger et sa victime est indubitable.

10 ans plus tard, en 1974, il n’y a en revanche aucun lien avéré d’un contact entre la petite fille de la cité Saint-Agnès de Marseille et christian Ranucci.

Ceci justifiera cette formule définitive à philippe Lefevre le 9 mars 1976, au soir du 1er jour du procès : 

« On voit s’accumuler les éléments à charge, mais aucun n’emporte la conviction. »

Pouvait-on se permettre de se forger une conviction en l’absence de preuve, quand la vie d’un homme est en jeu ?

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