le trophée

le couteau existe-til encore ?

 

Le sang 01On a toujours cru que le couteau à cran d’arrêt de christian Ranucci avait été détruit.

 

Pas si sûr.

Car d’abord :  où se trouvait ce couteau en juillet 1974 ?

 

Le trophee 02

 

 

Le trophee 03début et fin

 

L’histoire du couteau à cran d’arrêt s’écrit à partir du 6 juin 1974.

Un procès-verbal, daté de la veille, atteste de sa découverte. On peut dire que les péripéties de cette pièce à conviction commencent déjà de manière surprenante.

Le 5 juin, soit donc la veille de la découverte, correspond en réalité à l’ouverture de l’enquête. C’est  l’argument par lequel le greffe d’Aix-en-Provence justifie étrangement cette date de PV. Un dédouanement  saugrenu fourni bien des années plus tard.

Le chapitre final des péripéties ce couteau s’inscrit en 1978 au générique clôturant l’adaptation cinématographique du « pull-over rouge ». On apprend que le couteau aurait été confié à l’armée française pour être détruit. Cette information viendrait encore un fois du greffe d’Aix-en-Provence.

Mais entre le début et l’échéance, le parcours de cette pièce à conviction semble bien mystérieux.

 

 

 

Le trophee 04ubiquité

 

 

« reconnaissez-vous ce couteau ? »

Cette question est posée en juillet 1974 à maurice Benvenuti.

Il s'agit d'un copain de régiment de christian Ranucci. Il est convoqué à l'hôtel de police de Marseille. On lui présente l'objet supposé être l'arme du crime.

Dès ce stade, on a de quoi être surpris. Comment se fait-il que cette pièce à conviction puisse séjourner dans le tiroir de l'inspecteur de police ?

Nous sommes 1 mois après le début de l’affaire. L’ensemble des pièces sont supposées avoir été intégralement transmises au juge d’instruction. Ce couteau retrouvé dans un tas de tourbe dans des conditions sujettes à caution est maintenant exploité pour les besoins de l'enquête dans des conditions peu rigoureuses.

Cette entrevue à l'hôtel de police de Marseille en juillet 1974 sera la dernière fois où quelqu'un voit de ses yeux ce couteau. Ensuite le couteau disparait. Mais pas que l'objet : le compte-rendu de l'entrevue aussi !

 

 

 

 

Le trophee 05retour

 

Si les pièces à convictions sont au greffe du tribunal de Marseille, il ne semble à priori pas compliqué d’en récupérer une pour les besoin de l’enquête.

Rappelons que le suivi de ces éléments est d’un point de vue administratif visiblement sommaire.

A titre d’exemple, quel que soit le jour de leur découverte, elles ont toute droit à la même date d’enregistrement : celle du début de l’enquête, soit le 5 juin. On imagine dans ces conditions aussi peu scrupuleuses, qu’un emprunt ne demande pas des inscriptions tatillonnes en registre, ni de relance programmée pour la restitution.

De plus, dans cette enquête, il ne s’agirait pas de l’unique retour d'une pièce matérielle de l’enquête. La Peugeot 304 a été saisie 2 fois chez la mère de l'inculpé à Nice : la 1ère fois pour l’expertise, la 2nde pour la reconstitution.

Passer au tribunal récupérer le couteau est facile pour préparer le rencontre avec maurice Bénvéti. Ce tribunal est à 4 km de l'hôtel de police, soit 1/4 d'heure en voiture. L’objet tient dans la poche.

Cela demande bien moins de temps et de conditions préalables qu’aller chercher une voiture à Nice.

 

Mais ce couteau reprend-il ensuite le cheminement dévolu à son parcours judiciaire ?

L'objet est sensé repasser de l'hôtel de police au tribunal de Marseille. Puis de la cité phocéenne au palais de justice d’Aix-en-Provence. Et pourtant nulle preuve de ce transfert ...

 

 

 

Le trophee 06le procès

 

Brandir l’arme du crime dans la salle d’audience produit toujours son petit effet.

Surtout quand il s’agit d’un cran d’arrêt. Faire jaillir la lame du manche par une simple pression du pouce glacerait le sang d’un auditoire. Même si ce public est déjà a priori convaincu de la culpabilité de christian Ranucci.

Sauf que l’avocat général n’a nullement besoin de cet artifice  pour parfaire sa démonstration.

« Il y a suffisamment d’horreurs et de preuves pour que je n’ai pas besoin de faire appel à des éléments extérieurs » tonne-t-il.

Donc le 9 mars 1976, 1er jour du procès, pas de lame effilée jaillissant sous des regards médusés. On a décidé d’être sage. Et quand on est sage, on a droit à des images. A des photos plus précisément. Les clichés du cadavre. Photos prises sur le lieu de sa découverte. Ces vues circulent sur le banc des jurés. L’effet de ces épreuves, même en noir et blanc, est dévastateur pour la défense.

Le cérémonial du couteau qui sort en faisant « chlac ! » aurait peut-être été superflu. Mais en son absence, nous n’avons donc aucune preuve que ce couteau était bien à la disposition de la cour en mars 1976.

Il faudra attendre presque 40 ans pour avoir accès aux scellés. Et surprise …

 

 

 

Le pantalon 08 minle carton

 

Oubliez l’excellente série US « cold case » et son final, immuablement le même pour conclure chaque épisode.

Sur un long travelling de caméra, un fond musical accompagne le parcours du dossier dans un carton proprement étiquetée et identifiée. Il va être rangé pour rejoindre des boîtes jumelles sur des rayonnages impeccablement alignés.

 

Quittons la fiction pour le greffe d’Aix-en-Provence. En 2005, le carton contenant les scellés de l’affaire Ranucci est ressorti. Est-ce bien le contenant d’origine ?

Le carton semble plutôt neuf. Rien à voir avec ces boîtes standardisées, munies d’une fiche d’identification où l’on pourrait inscrire à chaque manipulation les dates et auteurs des consultations.

Les scellés de l'affaire Ranucci sont rassemblés dans un carton tel que nous utilisons pour un déménagement, ou que l’on peut trouver à la sortie d’un supermarché.

Pas d’inscription « skip » ou « banania » dessus (quand même !). C’est un carton parfaitement neutre, sans même l’indication « haut » et « bas ».  Mais sur l’un des flancs est inscrit au marqueur noir :

3/76 RANUCCI Christian

3/76 : le mois et l’année du procès

 

On devrait peut-être pouvoir trouver notre bonheur là-dedans. Même si le mot « bonheur » n’est peut-être pas le plus indiqué.

Et quand on ouvre, qu’est-ce que l’on découvre ? …

 

 

 

Le trophee 08inventaire

 

On l’a dit, aucune fiche n’est apposée à l’extérieur du carton pour en contrôler le contenu.

Impossible donc à partir de ce contenant de savoir qui y aurait jeté un coup d’œil. Et encore moins qui se serait éventuellement "servi".

A l'ouverture, on constate en 1er lieu que les quelques scellés occupent à eux tous à peine le fond du carton. Une remarque s’impose : si du tri a été fait, ce n’est certainement pas par manque de place.

 

On découvre pêle-mêle 5 éléments :

 

1 – le scoubidou

Celui-ci est tressé avec des lacets en cuir. Certains y ont vu un fouet. Une chose est sûre : ce n’est pas la brigade mondaine qui a suivi l’affaire Ranucci. La fréquentation des clubs SM leur aurait donné quelques renseignements pratiques sur les ustensiles fétichistes à l’usage des dominatrices sanglées-cuir.

 

2 – des moulages de plâtres

Ce sont les même qu’utilisés par les naturalistes pour les traces d’animaux. Sauf que là, il s’agit des empreintes de la Peugeot 304 laissées dans la champignonnière. Ces relevés mettront tout le monde d’accord sur un point. C’est la preuve indétrônable que christian Ranucci était au moins innocent d’une chose : il n’avait pas des pneus lisses ! (sic)

 

3 – en 3e nous découvrons : … un couteau !

Et un couteau à lame rétractable …

 

 

 

Le trophee 091 sur 2

 

 

Inutile de faire durer le mystère, il ne s’agit pas du cran d’arrêt. C’est un opinel, l’indémodable couteau à manche en bois.

 Celui dont on sort la lame du manche en la saisissant du bout des doigts au niveau de l'encoche, et qu’une virole de sécurité permet de bloquer. A vue de nez, un modèle opinel n°9, soit de dimension moyenne.

De toute façon, ce couteau n’a guère d’intérêt. Jamais, il n’a été incriminé dans l’affaire.

Et l’autre alors, celui qui nous intéresse, le "virginia", où est-il passé ?

Normal qu’il ne soit pas là. L’armée l’a détruite. Parait-il.

Normal ? Pas tant que ça …

 

 

 

Le trophee 10choix

 

Les greffes de tribunal n’ont aucune obligation à conserver les scellés indéfiniment.

Mais si le cran d’arrêt a été détruit, pourquoi n’a-t-on pas détruit l’opinel avec ?

C’est même contraire à toute logique !

Si il y avait un couteau dont on pouvait se débarrasser, c’est bien celui à manche en bois. Il n’a été d’aucune utilité durant l’enquête. Et s’il y en a bien un à conserver, c’est l’autre : le virginia automatique.

Peut-être y a-t-il une autre raison à ce choix …

 

 

 

Le trophee 11maléfice

 

Si le cran d’arrêt avait servi à assassiner une fillette de 7 ans, alors on a peut-être souhaité effacer ce souvenir encombrant.

Une destruction prenant l'allure d'un acte purificateur au terme de l’affaire.

Nul ne peut se mettre totalement dans l’esprit des acteurs de l’enquête et du procès, forcément marqués par cette histoire. Dans ce cas, comme un atavisme moyenâgeux, le couteau se verrait paré d’une aura maléfique. A défaut d’exorcisme, les juges médiévaux pouvaient ordonner la destruction d’objets déclarés « possédés par le malin ».

 

La justice a beau avoir progressé au cours de siècles, force est de constater que le rationnel n’est pas seul en lice dans un procès. Et pour l’affaire Rannuci l’émotionnel prend malheureusement souvent le pas sur l’objectivité des faits.

L’hypothèse de la destruction d’un objet pour chasser les mauvais souvenirs peut paraître fantaisiste. Mais l’exact opposé existe aussi dans cette affaire.

Il en est ainsi de la famille Rambla. Leur fille n’est plus là, mais on lui met encore le couvert à table. Comme s’ils dinaient avec un fantôme. Une assiette et des couverts permettent de cultiver sa mémoire, ou imaginer que d’un instant à l’autre elle va venir s’attabler à côté de ses frères. Etrange pratique qui montre une autre forme de fétichisme.

 

A-t-on dans une démarche « dissymétrique » voulu faire disparaître le souvenir de christian Ranucci en détruisant son couteau ?

Cette manière de « tourner la page » ne tient pas. Et pour cause : le carton marqué 3/76 nous réserve encore une autre surprise …

 

 

 

Le trophee 12autopsie

 

On avait oublié de le faire dire à christian Ranucci dans ses aveux signés.

Mais un détail n’a pas échappé au légiste.

La victime a certes été tuée de 15 coups de couteau. Mais la boîte crânienne a également été défoncée avec des pierres. Et ces pierres sont là !

Voilà le 4e élément du carton de scellés. Les pierres portaient, et sans nul doute possible, le sang de la malheureuse petite marie-dolorès. Les tâches brunâtres sur la lame du cran d’arrêt n’ont en revanche jamais été formellement identifiées.

Alors, si on veut se débarrasser des objets qui ont provoqué la mort, on devrait forcément jeter les pierres avec.

Reste que pour se débarrasser du cran d’arrêt, on emploie les grands moyens.

 

 

 

Le trophee 13muette

 

A notre époque, une conseillère municipale de Marseille a proposé l’intervention de l’armée pour rétablir l’ordre dans certains quartiers.

Dans les années 70 en tout cas, on a obtenu ce concours ultime pour détruire un cran d’arrêt.

(en l’atomisant avec un missile ? )

 

Restons sérieux, c’est peut-être une procédure habituelle que d’éliminer des scellés en passant par les services de la défense nationale.

On aimerait bien voir un procès-verbal de destruction pour en être sûr. A moins que ce genre de document soit classé « confidentiel défense » …

 

La légende veut que l’on coupa la langue de l’architecte de la grand pyramide. Ainsi il gardait secret l’emplacement de la chambre funéraire du pharaon à sa disparition.

Et quand on veut faire disparaître un couteau, on fait confiance à « la grande muette » ?

 

 

 

Le trophee 14source

 

C’est michel Drach, le réalisateur de cinéma qui nous passe l’information  sur la destruction du couteau.

Mais comment a-t-il appris que la « mission » avait été confiée à l’armée ?

Il semble que c’est au cours de la demande de requête en révision de 1978 que cette information ait été communiquée, donc forcément  par le greffe d’Aix-en-Provence.

La requête en révision avait de bonnes raisons de s’intéresser au couteau.

Il apparait que « les tâches brunâtres » sur la lame du couteau n’ont jamais été distinctement analysées. Le rapport d’enquête précise seulement qu’elles s’apparentent à du sang coagulé. Pour peu, à y voir de plus près, qu’il s’agisse de terre fixée par la sève des branches coupées, et certaines convictions risquent d’être chahutées.

Donc, on doit se contenter de l’affirmation comme quoi ce serait « la grande muette » qui aurait fait disparaître l’objet. Avec ça les quémandeurs dans l’impasse. "Dégagez, y'a rien à voir !"

 

En mettant si nettement en évidence ce détail qui semble tellement secondaire à la fin de son film, on se demande si michel Drach ne nous laisse pas un message caché. Il viendrait nous dire comme un post scriptum dans un testament :

« Mon film se termine, mais il y a encore des pistes qui auraient pu être explorées ».

 

 

 

Le trophee 15trophée

 

Les armes fascinent. Elles sont des demi-dieux.

A  moitié Dieu seulement, car elles ne donnent pas la vie, seulement la mort. Et celles qui ont servi fascinent par-dessus tout.

Dans chaque guerre gagnée, on ramène des trophées. De préférence des armes prises sur l’ennemie. Et la guerre moderne n’échappe pas à la règle. Des militaires ont eu des problèmes avec des kalachnikovs ramenées frauduleusement d’Irak.

 

La police mène aussi sa guerre. Celle contre le crime. En 1974, la culpabilité de christian Ranucci ne fait de doute pour personne. Son couteau est un trophée. Surtout qu’on s’est donné bien du mal pour le retrouver dans le tas de tourbe !

 

En novembre 2016, la célèbre salle des ventes Christies met aux enchères le pistolet avec lequel Verlaine tira sur Rimbaud. L'affaire est adjugée pour 435.000 euros !

 

Le couteau de l’affaire du « pull-over rouge » n’a aucune valeur marchande. Sauf peut-être sur un marché parallèle. Mais c’est avant tout un objet de convoitise autant que de fascination. Il a très bien pu être « oublié » dans un tiroir du commissariat de Marseille. Après tout, si personne ne vient le réclamer …

 

A moins qu’il ait bien été transféré à Aix-en-Provence, jusqu’à ce que plus tard des citoyens demandant une révision s’y intéressent de trop près. Du coup, l'objet devient bien embarrassant.

 

En revanche, un autre scellé est bien présent dans le carton estampillé 3/76. Nous en avons déjà cité 4 : le scoubidou, les empreintes en plâtre, l’opinel et les pierres.

 

Le 5e et dernier scellé est celui qui fascine le camp adverse : le camp de ceux qui croient en l’innocence de christian Rannuci. Le pull-over rouge existe toujours !

 

 

 

Cendrillon 04le pull

 

L’ADN ne fera pas parler ce pull. Trop de gens l’on manipulé.

Et si l’on retrouve un ADN qui pourrait être celui de christian Ranucci, il n’y aurait rien de surprenant.

On le lui a fait essayer à l'hôtel de police de Marseille.

En revanche, on pourrait au moins savoir s’il était à sa taille. Mais serait-ce bien utile ?

Adversaires comme convaincus de la culpabilité semblent s’être au moins mis d’accord sur un point : ce pull n’était pas le sien.

Peut-être est-il déjà la propriété de quelqu'un d'autre d’ailleurs. Comme le couteau, ce pull rentré dans l'histoire judiciaire attise forcément les convoitises. Son destin est d'aller rejoindre le coffre d'un collectionneur en mal de sensations, et prêt à épater son entourage.

 

 

 

La poursuite 13conclusion

 

Qu'est devenu le couteau à cran d’arrêt de christian Ranucci ?

La dernière fois qu'il a été vu, c'était en juillet 1974 à l'hôtel de police de Marseille.

On n'a aucune certitude de ce qu'il en advient ensuite, mais a-t-il été au final détruit ? Il y a de quoi en douter.

Et s’il a été perdu, il ne l’a peut-être pas été pour tout le monde.

Cela semble fort hypothétique, mais pas impossible : le couteau pourrait un jour refaire surface !

Car qui aurait cru que l’on retrouverait le pull-over rouge.

 On avait eu du mal en 1974 à extraire le couteau du tas de tourbe, même avec un détecteur de métaux. Si aujourd'hui il est au fond d'un coffre, on évitera le chalumeau.

 

 

 

 

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