quelqu'un de bien
Il y a en a du monde dans
les cités de Marseille.
Et pourtant si peu en 1974
a avoir vu l'homme
au pull-over rouge.
Si peu à l'avoir dit.
volte-face
Un « homme au pull-over rouge » furetait dans les cités de Marseille.
En matière de témoins à décharge, on peut s’étonner qu’il n’y ait eu que 2 adultes pour remarquer cet individu.
Aujourd'hui, ça semble facile de dire :
" si j'avais vu quoi que se soit,
j'aurais foncé au commissariat ! "
Quand on connait les tenants et aboutissants de l'affaire, forcément ça motive. Mais s'agissant du concierge par exemple, il a fallu le pousser pour qu’il vienne parler au procès.
Pour certains, le nombre réduit de témoignages fragilise leur crédibilité. Mais il n’est pas toujours facile de prendre le chemin du commissariat pour déclarer ce que l’on a vu.
On a toujours un petit quelque que chose d’important à faire.
Si en plus, en cours de route, en passant par le bar-tabac, on risque de découvrir à côté de la pile de journaux une pétition pour la mise à mort du suspect. Le risque est grand de devoir affronter la réprobation générale.
Evidemment, tout cela fait réfléchir. Et à trop se questionner, on ne prend jamais de décision.
épreuves
Si un témoin se décide finalement à pousser la porte d’un commissariat, il ne faut pas y voir une fin en soi.
Ce n'est même que le début.
Le témoin est parfois convoqué ou reconvoqué pour un complément ou une vérification. Il devra se rendre en ultime étape au tribunal pour répéter devant un public parfois hostile tout ce qu'il a déjà dit. Avec à chaque fois des moments d’attente pénibles, où germe une seule envie : s’en aller.
Et pour gagner quoi au final ?
Mme Mattéï qui a vu l’homme au pull-over rouge est ressortie humiliée du tribunal. On l’a menacée d’éventuelles poursuites pour fausse déclaration. Et comme ça ne suffisait pas, deux semaines plus tard on est venue la vilipender à son domicile.
Mais le paradoxe, c’est que c’est peut-être un mal pour un bien …
renversement
Quand 2 ans plus tard, enfle la polémique sur l’affaire, le témoignage de Mme Mattéï devient soudain digne d’intérêt.
A-t-elle regretté son initiative, dans la mesure où son témoignage n’avait pas sauvé l’accusé ?
Cette mère au foyer peut au moins se dire qu’elle a fait ce qu’elle pouvait.
L'actrice reine Bartève, et que l’on a vue dans le film « un sac de billes », tient son rôle dans l’adaptation cinématographique de « le pull-over rouge ».
Elle y parait comme une brave dame un peu pataude. Mais en même temps pleine de bon sens et plutôt serviable.
On ne peut pas en dire autant d’autres belligérants de l’affaire. Ils ont de quoi s’effrayer du portrait qui leur est fait.
Mais s’il y a eu des gens dans les cités marseillaises qui « ont vu quelque chose » et sont restés muets, subissent-ils le phénomène inverse ? A savoir si leur indifférence et leur passivité laissent lentement place à un remord de plus en plus prégnant.
Pas si sûr ...
indifférence
Ceux qui n'ont rien fait, rien dit,
peuvent-ils s'en vouloir ?
On prétend que la mémoire est comme un boomerang dont le retour peut-être douloureux. Mais la mémoire est aussi un mille-feuille où viennent se superposer les souvenirs.
Le chroniqueur Pierre Bellemare, fort de son expérience, l’explique parfaitement.
« Face à un souvenir gênant, le cerveau s’adapte. On s’aménage. Et arrive un jour où l’on est convaincu de n’avoir rien vu. »
C’est exactement comme pour un intérieur de maison. On l’arrange et l’on l’aménage de manière à le rendre plus confortable.
chagrin
Il est une personne dont les souvenirs furent les plus terribles, et que rien ne put effacer.
Il s'agit en l'occurrence de la mère de christian Ranucci.
Cette pauvre femme termine sa vie avec la maladie d'Alzheimer. Ce mal terrible, tout le monde, le sait vous fait perdre la mémoire. Mais si la personne atteinte par cette maladie dégénérative oublie ce que l’on a dit ou fait quelques minutes auparavant, elle peut en revanche conserver des souvenirs précis d’évènements passés.
Pour une fin de vie plus sereine, ou aurait préférer lui souhaiter l’inverse. Effacer les vieux souvenirs et conserver la mémoire immédiate.
conclusion
Deux personnes ont déclaré avoir vu "l'homme au pull-over rouge" : Jeanine Mattéï et Paul Martel. Les deux témoignages d'adultes.
Sont-ils les seuls ?
Dans les cités marseillaises, il y a des circonstances où être discret signifie aussi être prudent.
Pour un peu, il s'en est fallut de peu de n'avoir aucun témoin à décharge. Sans une pression sur le concierge qui confiera d'ailleurs ne pas comprendre sa présence au procès, il ne restait plus qu'un témoignage adulte sur l'homme au pull-over rouge. Et sans une rencontre fortuite avec Mme Ranucci au parloir des Baumettes, pas de Mme Mattéï pour évoquer ce rôdeur.
Pour que d'autres personnes osent parler, il aurait fallu ce genre de situation improbable. Ou tout au moins qu'une ambiance favorable dans la population puisse encourager cet acte citoyen.
Si madame Mattéï ait trouvé le courage de témoigner contre vent et marée, on ne peut rendre son action que d'autant plus admirable. Pour autant, elle n'aura jamais le droit à une reconnaissance officielle de son action. Car pour la loi, christian Ranucci est et demeure coupable.
Quelle valeur aurait d'ailleurs une distinction publique ? A une époque où l'on peut prétendre à la légion d'honneur pour une simple popularité télévisuelle du moment. Ou d'autres avec quelques amitiés de convenances.
Et pourtant, c'est de gens les plus ordinaires que peuvent naître les combats les plus nobles. Le chroniqueur paul Lefèvre le sait fort bien lorsque le 6 juin 2014, sur une radio nationale, il rend un hommage ému à jeannine Mattéï.
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