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2019 : les observateurs

 

Les observateurs 01Que l’on ait côtoyé christian Ranucci de près ou de loin, la mémoire avec le temps peut rendre les souvenirs surréalistes.

 

Entre les confidences de l’avocat et celles d'un journaliste, le documentaire diffusé sur le câble en avril 2019 a de quoi laisser pantois.

 

 

 

 Les observateurs 02derniers instants

 

On le sait, les 3 avocats de christian Ranucci étaient présents à son exécution.

Mais un seul a assisté à la décapitation.

C’est seulement en 2019 que maître Fraticelli nous révèle sa dernière vision du condamné :

« On le projette sur une planche verticale. On le culbute en avançant la planche. »

Mais la suite est à couper le souffle :

« Je lui mets la main à ce moment-là sur l’épaule une dernière fois. La guillotine tombe. »

Ce n’est bien sûr pas la guillotine, mais le couperet qui tombe. Pour autant, il y a de quoi tomber des nues avec cette ultime révélation.

Jamais dans l’histoire de la peine de mort, voire de l’humanité, un avocat n’est allé aussi loin pour accompagner celui qui était son client.

 

Etrange tout de même, car autour du condamné s’affairent les aides-bourreaux. Face à l’inéluctable, les suppliciés se cambrent souvent dans un ultime acte réflexe. Le corps se rétracte instinctivement comme pour échapper à la lame.

Pour cette raison, les aides-bourreaux sont chargés de maintenir le condamné immobile. Mais dans le cas présent, il faut en plus imaginer que l’avocat est à leurs côté.

 

Que veut nous dire Maître Fraticelli ?

Probablement justifier comme un geste d’humanité sa présence près de celui qui vit ses derniers instants. Des fois qu'on l’accuse de voyeurisme. Mais personne n’ira le blâmer, ni même le contredire. Faute de témoin.

Les autres acteurs de la scène ont aujourd’hui disparu. A commencer malheureusement par le plus jeune, et le plus …  « concerné ».

 

 

 

Les observateurs 04compte-rendu

 

Les propos de maître Fraticelli n’engagent que lui. On n'y trouve rien de polémique sur l’affaire dans ses affirmations.

C’est en revanche plus compliqué avec alexandre Panzani.

Ce journaliste couvrait l’affaire pour le quotidien « la marseillaise ». Il évoque la confrontation de visu entre témoin et suspect à l’hôtel de police de Marseille. Ce procédé d’identification défie toute déontologie policière.

Mais pour notre journaliste c’est un triomphe.

Voici ce qu’aurait dit la femme témoin, qu’il décrit comment étant calme :

« Je vous reconnais, c’est vous qui avez fui dans la campagne, entraînant cette petite fille, cette petite fille d’ailleurs pleurait. Je vous ai vu, vous avez pris cette enfant, et vous l’avez traînée derrière un fourré. »

Cette manière de présenter la confrontation a de quoi surprendre. Ça ne colle pas avec ce qu’a en dit un policier. Lui était vraiment présent au face à face. Et il est loin d'évoquer une accusatrice dont le calme serait la 1ère des qualités.

"C'est vous Ranucci, c'est vous !" est la tirade retenue par les gens présents. Rien à voir avec cette présentation posée et détaillée que nous décrit le journaliste.

 

La petite fille qui pleure, c’est nouveau aussi. La déposition, ou plutôt l’une des dépositions, évoque une voix fluette demandant « où on va ?»

Bref on se demande si tout ce monologue ne serait pas le fruit de l’imagination. Avec une trame de pathos comme s’il s’agissait de vendre du tirage.

A moins peut-être, qu'on puisse y voir une métaphore habile. Dans ce cas, les propos tenus seraient la transcription des sous-entendus exprimés par le regard de la femme. Comme une voix off sur une séquence où les croisements d’yeux se tétanisent.

 

En tout cas, tout cela ne repose sur aucune trace écrite. Et pour cause, l’enquête a abandonné la procédure normale d’identification avec anonymat. C’est qu’à priori la 1ère méthode, la vraie, n’a pas fonctionné.

La femme était calme ? Elle a perdu sa sérénité durant les années qui ont suivi le procès. Son mari a vécu ce naufrage avec elle. Et sur ce point au moins, on est en droit de le croire quand il témoigne que la quiétude ne les a guère accompagnés.

 

 

 

Le legiste 16polémistes

 

Le documentaire prend le parti de la culpabilité, et c’est bien son droit.

Pour ce faire, sont invités les plus convaincus.

Il y a l’ancien et le nouveau. Le vétéran, c'est gérard Bouladou.  et le "nouvelle-vague", c'est jean-louis Vincent. Ancien et nouveau mais de la même génération, tous deux ex-policiers, et tous deux auteurs d’un ouvrage sur l’affaire.

 

Mais le montage documentaire intercale également les interventions de yann Le Meur. Lui aussi a écrit. Mais présidant actuellement le comité pour la réhabilitation du condamné, il a bien sûr une toute autre opinion que les deux autres.

Sauf que le documentaire omet de le préciser. La sélection de ses propos filmés ne concerne au départ que des éléments purement factuels sur le déroulement de l’enquête. Son point de vue n'est jamais exprimé.

Mais quand arrive la narration du procès, il livre l'impression qu'on eut les jurés et le public face à l’attitude de l’accusé :

« Comment peut-il clamer l’innocence d’un meurtre si atroce avec autant de mépris et autant d’arrogance ? »

La phrase est volontairement isolée de son contexte. Le spectateur croit alors que yann Le Meur fait lui aussi partie de ceux convaincus de la culpabilité de christian Ranucci. On pourrait comprendre que l’intéressé apprécie avec réserve l’usage de ses propos.

 

 

L anniversaire 08conclusion

 

L’affaire Ranucci a perduré dans les esprits du fait de revirements entre polémique et contre-polémique.

Mais reconnaissons que les ouvrages des tenants de la culpabilité n’ont jamais menacé le succès libraire du « pull-over rouge ».

Avec ce documentaire, on "remet une pièce dans la machine" pour refaire de christian Ranucci un coupable. Peine perdue pour raviver les mêmes passions contradictoires dans l’opinion publique. Car aujourd’hui, l’esprit commun reste bien trop acquis à la thèse de l’innocence.

 

 

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