le courage
témoigner n'est pas qu'un question de mémoire, il faut parfois du cran
Tout témoignage est souvent un récit fragile.
Un livre publié en 2018 balaye les dépositions à l'hôtel de police qui mettent en doute la culpabilité de christian Ranucci.
Le livre a-t-il la même intransigeance envers les témoins accusateurs ?
rouge
Il est plus difficile de savoir si l’assassin de maria-dolorès était l’homme au pull-over rouge, que de connaître la couleur du manteau du Christ.
Pour Jésus, on a au moins la réponse.
3 témoins se sont exprimés dans les évangiles :
- pour l’apôtre Mathieu, le manteau du messie est écarlate
- selon les évangiles de Luc et Jean, il est pourpre
Qu’on ait la foi ou pas, voici 3 témoignages concordants. Ils viennent affirmer que le manteau du Christ était de couleur rougeâtre.
Depuis, les historiens travaillé sur les teintures en usage à l’époque. Leurs conclusions viennent confirmer : le bleu était l'apanage des gens aisés, le rouge pour pour la plèbe. Le procédé de teinture rouge était bien meilleur marché. Jésus, homme du peuple avait un manteau de couleur rouge.
Et les témoignages sur l’homme au pull-over rouge, comment faut-il les prendre ?
fragilité
Dans l’ouvrage consacré à l’affaire Ranucci paru en 2018, on trouve les descriptions du kidnappeur le jour du rapt :
- l’homme avait un costume gris, selon le frère de la victime
- le haut des vêtements était clair, et le bas plus foncé, d'après le garagiste qui a suivi la scène
Costume gris - haut clair, bas plus foncé : voilà 2 témoignages compatibles. Voir même qui se complètent.
Pourtant, le livre-enquête n'est pas de cet avis. Les seules variantes, bien que parfaitement conciliables, suffiraient à mettre de côté ces observations.
âge
L’ouvrage d’investigation n’a donc guère d’indulgence pour les témoins du rapt.
Il n'en a pas plus envers le contremaître de la champignonnière.
La faute de ce cultivateur ?
Il a le malheur de se tromper de 10 ans sur l’âge qu’il attribue à christian Ranucci.
Henri Guazzone est d'une génération où quand on avait 20 ans, il n'était pas courant, voir exceptionnel, de posséder une voiture. Mais il n'y a pas que cela.
Donner 10 ans de plus à christian Ranucci en la circonstance n'a rien de surprenant. Le fêtard est au lendemain d'une soirée de beuverie.
"Des musettes comme ça, c'est des coups de poignards dans votre jeunesse" dit la chanson "Pochtron" dont l'interprète sait de quoi il parle.
Christian Ranucci a certes pris de quoi se remettre d’aplomb. 2 whiskies avalés le matin ça vous donne un petit coup de fouet. Mais ça ne garantie pas pour autant d’avoir le teint frais.
A cela s’ajoute qu’il vient de s'escrimer plus d'une heure avec sa voiture pour tenter de la faire sortir du tunnel de la champignonnière.
Si avec tout ça, il n'a pas les traits tirés, voir des poches sous les yeux !
On est donc raisonnable en droit de lui donner 10 ans de plus.
Monsieur Guazzone ne fait donc pas une erreur de mémoire, encore moins d’observation. Il évoque fidèlement ce qu’il a pu voir le 3 juin 1974.
retournement
Pas de pitié non plus dans le livre, à l'égard de Mme jeanine Mattéï.
C'est cette habitante d’une cité marseillaise qui évoque le rôdeur au pull-over rouge. Mais dans l'ouvrage elle est non seulement comme considérée comme une menteuse, mais en plus on la fait passer pour corruptible.
Les sources de cette suspicion : une voisine de la cité des cerisaies.
Autrement dit :
L’enquête ne fait pas confiance à la témoin, Mme Mattéï. En revanche, elle en accorde bien plus à sa voisine, soit la « témoin-de-la-témoin » (sic).
Le témoignage de Mme Mattéï serait parait-il de 2nde main. Mais pour l’affirmer, on utilise des propos que l’on pourrait qualifier pour la circonstance de « 3e main ».
On apprend que cette voisine refuse aujourd’hui de s’exprimer sur l’affaire.
Comme on la comprend ! Sage décision, elle a bien raison de se taire.
Ce retournement qui choisit la prudence rappelle fortement l'attitude du couple de toulonnais qui avait pris en chasse la voiture de christian Ranucci.
« Ils avaient toujours quelque chose à raconter aux journaliste du Provençal » rappelle le chroniqueur paul Lefèvre.
Mais après l’exécution de christian Ranucci, ils claquent leur porte à quiconque tente de les interviewer.
L’enquête d’investigation est fort dubitative avec les témoins du rapt.
On l’a vu précédemment, l’ambivalence entre « costume gris » pour un témoignage et « haut clair, bas plus sombre » pour l’autre suffirait pour l'auteur à jeter l’opprobre sur ces observations.
En revanche, les propos du livre ne tiquent pas sur l’histoire narrée par le couple de toulonnais. Pas la moindre réserve sur cette description d’assassin qui monte sur la colline pour tuer la petite fille, tout en sachant que quelqu’un relève son numéro d’immatriculation au même moment.
Il faut dire que mari et femme ont tenu pour vraie la même histoire. Suffirait-il que leurs déclarations respectives concordent parfaitement pour estimer qu'elles sont crédibles ?
Croire en l’innocence de christian Rannuci aujourd’hui, c’est un peu comme prétendre que la terre tourne autour du soleil.
Du temps de Galilée, cela pouvait vous conduire au bûcher. Maintenant, vous ne risquez guère d’en faire un scoop.
C’est un peu la situation des témoins qui ont vu l’homme au pull-over rouge. En 1974 ils risquaient des représailles. Aujourd’hui, mais hélas trop tard, ils sont pris au sérieux. Et c'est justement parce que ces gens ont pris des risques en témoignant que l'on doit d'autant plus respecter leur parole.
L'ouvrage publié en 2018 ne le rend guère cette justice.
Ajouter un commentaire