rêve de pampa

FICTION

 

Reve de pampa 01un autre juge remplace au dernier moment celui du procès Ranucci

imaginons ...

 

 

 

Reve de pampa 02le rêve

 

Le film s’ouvre sur l’image superbe d’un cheval galopant dans la pampa.

C’est le rêve éveillé que fait christian Ranucci dans sa cellule.

Demain mardi 9 mars 1976 sera le jour de son procès. Depuis le temps qu’il l’attend ! Car sa conviction est claire : l’audience établira son innocence.

Il s'endort donc serein. Demain n'est que la 1ère étape de sa nouvelle vie. Celle qui redémarrera au Venezuela. Il sera libre ! Comme ce cheval fougueux qui court à travers la pampa.

 

 

 

Reve de pampa 03le cauchemar

 

A la veille du procès,  le juge a du mal à s’endormir.

On lui a fait remplacer au pied levé le président de séance à la cour d’Aix-en-Provence.

Empêchement d’ordre médical lui assure-t-on.

 

«  on peut attendre que mon collègue soit remis sur pied ? »

« Impossible » s’entend-il répondre.

« ça fait déjà plus d’un an que le dossier est bouclé, on ne va pas continuer à reporter. 

- Mais j’ai besoin de temps pour connaître le dossier

- Pas la peine, il n’y a qu’à lire les aveux. Tout y est, et c’est limpide ! » 

 

Son expérience de magistrat lui a appris à se méfier des aveux trop « limpides ». C’est donc avec une certaine appréhension qu’il s’endort.

 

 

 

Reve de pampa 04le greffier

 

A l’arrivée au tribunal, notre juge fait comme tout magistrat qui n’a pas eu trop le temps de consulter le dossier : il s’entretient avec le greffier.

Le résumé est simple :

     - un accusé qui a pris la fuite

     - un couteau retrouvé pas très loin

     - des tâches de sang sur un pantalon 

Pour le greffier aussi l’affaire est « limpide ».

Notre juge n’en sait donc pas tellement plus. Pas plus que ce qu’il avait pu lire dans les journaux. Mais son instinct lui dit que c’est bien mieux ainsi.

Ce rôle de candide garantit une écoute neutre. L'assurance d'une opinion a priori impartiale face aux témoins.

 

 

 

Reve de pampa 05l'oubli

 

L’audience est ouverte.

Le moins que l’on puisse dire est que l’accusé est mal parti.

Il n’offre à personne une impression favorable.

Notre juge se demande tout de même comment un individu si arrogant et agité a pu livrer des aveux aussi « limpides ».

Arrive le médecin légiste qui décrit les blessures. Le juge a l’impression agaçante qu’on lui fait suivre un cours d’anatomie à la fac de médecine.  Pour ne pas rester coi, il pose négligemment la question bateau, comme le ferait un inspecteur de police :

« A quelle heure remonte le crime ? »

Le légiste qui auparavant parlait avec le jargon des médecins de Molière reste soudain silencieux.

Un assesseur chuchote quelques mots à l’oreille de notre juge. Ce dernier reprend :

« - vous confirmez tout de même la date du 3 juin 1974 vers 12h30 ? 

   - c’est l’enquête qui le dit » répond seulement le légiste.

Cette manière de renvoyer la balle fait perdre tout son brio à l’expert.

Le juge se tourne vers l’assesseur et lui demande de jeter un coup d’œil au rapport d’autopsie. Il s'affaire dans les papiers. Mais la démarche pour y trouver le jour et l’heure reste veine.

 

 

 

Reve de pampa 06coup d'œil

 

Arrive à la barre le garagiste.

Notre juge est maintenant plus à l’aise.

Voilà un homme du peuple qui ne va pas essayer de le noyer sous des mots latins.

Le mécano prétend ne pas pouvoir se tromper dans la marque des voitures. Par conséquent, il n’a pas pu confondre la Simca 1100 avec la Peugeot 304. Notre président reste septique.

« Vous ne pouvez pas vous tromper. Vraiment !

Et que vous a répondu le juge d’instruction, quand vous lui avez dit être sûr de vous ?

- Le juge ? Mais quel juge ? Je l’ai jamais vu celui-là ! »

Nouveau malaise.

 

 

 

Sa personnalite 07baraka du Karabach

 

Avant le garagiste, le président a été saoulé par les paroles du médecin légiste.

Mais il se demande franchement ce que vient faire au procès le généraliste qu'il voit s'avancer à la barre. Il n'a nullement été missionné sur l'affaire. 

"Présentez-vous monsieur, s'il vous plait.

- David Atom Manouchian, médecin à la retraite. J'habite Ramatuelle.

- Quel rapport avez-vous avec l'accusé ?

- Je l'ai eu  une fois en consultation. C'était quand je travaillais dans l'Isère. Il y a un peu plus de 5 ans. On me l'avait amené suite à un accident de la route. Une chute en mobylette je crois bien.

Le président prend air étonné, presque amusé, avant de se ressaisir :

- Quel rapport avec notre affaire je vous prie ?

- J'ai pu lire dans "Le Provençal", le journal, une drôle de chose. On n'a pu identifier si la tâche de sang trouvé sur un pantalon venait de lui ou de la victime. ça m'a surpris, et pas qu'un peu. Car monsieur Ranucci a un groupe sanguin rare."

Le président a une nouvelle fois une désagréable impression. On veut encore l'embrouiller avec des considérations médicales dont la teneur lui échapperait.

"Vous avez eu l'accusé dans votre cabinet il y a plus de 5 ans. Un patient parmi des centaines d'autres je présume. Et vous arrivez à vous souvenir de lui. La belle affaire !

Moi qui suis juge, voyez-vous, je ne peux pas me rappeler de tous les accusés ou prévenus que j'ai pu voir. Et encore moins tous ces gens qu'à longueur d'année j'ai vu défiler à la barre.

Mais vous médecin, vous arrivez à vous souvenir d'un patient plusieurs années après. Et en plus vous vous rappelez même son groupe sanguin. Mais c'est extraordinaire ! Expliquez-moi donc ...

- Vous l'avez remarqué, mon nom est Manouchian.

- c'est d'origine arménienne, c'est ça ?

- C'est exact. Quand vient un patient qui a du sang arménien dans les veines, forcément on s'y intéresse un peu. Depuis que j'ai pris ma retraite dans la région, j'ai le temps de lire la presse. Quand j'ai lu le nom de Ranucci, ça m'est revenu."

Le président masque son agacement et relance :

" Venez-en aux faits s'il vous plait.

- Les journaux font état d'un groupe sanguin de type A. Mais il y a aussi le rhésus. Et quand il s'agit du rhésus négatif, il n'y a que 7% de la population qui est concernée.

- Vous savez docteur, c'est un peu tard pour refaire les analyses. Venez-en au fait je vous dis !

- ce que je veux dire monsieur le Président, c'est qu'il y a de grandes chances de pouvoir définir par le rhésus si la tache sur le pantalon vient de l'accusé ou de la victime. Et je m'étonne que cela n'ait pas été vérifié. "

Le président reste silencieux. "Malin comme un singe" rumine-t-il. Car rhésus évoque surtout pour lui une variété de primate.

"Je vous remercie" finit-il par lâcher aimablement. On le sent troublé. Et cela n'échappe ni au public, ni aux jurés.

 

 

 

Le plan 2le dessin

 

Le Président n’a certes pas eu trop le temps de lire le dossier.

Mais il a au moins pu jeter un coup d’œil à un dessin.

Aussi sort-il le croquis réalisé au cours des aveux. C'est le plan de lieux de l'enlèvement, réalisé des mains même du gardé à vue.

Face à lui l’inspecteur de Police venu à la barre commente.

"L'accusé avait garé son véhicule rue d'Albe.

- … Dans la cour de la cité Saint-Agnès vous voulez dire ?

- Non dans la rue adjacente. Celle qui est sacrément en pente. L'accusé pourra vous confirmer !

- Pourtant, l'accusé à dessiné sa voiture dans la cour face à l'immeuble. »

Et de brandir le papier sous le regard du policier. Celui-ci perd de sa belle assurance car il sent qu’il vient de commettre un faux-pas. Interloqué, il tente d’expliquer  que christian Ranucci a pu dans un 1er temps se garer dans la rue d’Albe, entrer dans la cour à pied pour accoster les enfants, avant d’aller chercher son véhicule.

« Et quel est l’intérêt de faire en voiture ces quelques mètres ? »

Nouveau silence, nouveau malaise.

 

 

 

L autre proces 16échos

 

Aussi gênantes soient les anicroches qui émaillent le procès, elles ne fomentent pas une doute suffisamment puissant.

La force de conviction du procureur est intacte.

Les jurés condamnent l’accusé à la peine de mort.

 

L’enjeu devient soudain intéressant pour les journalistes. Ce procès sordide a offert de l'inattendu. Du coup, ils n’hésitent pas à gonfler les quelques incohérences relevées durant l’audience. Cela se transforme vite en un feuilleton judiciaire où chaque jour on s’efforce d’apporter des éléments de contradiction à l’accusation.

Le doute commence à faire germer un sentiment irrépréhensible de sympathie pour le condamné. Son entourage et ses connaissances, qui jusqu’à présent n’osaient pas s’exprimer se risquent à parler de lui, parfois même à visage découvert.

Le tueur 22La justice est sensée restée indépendante des mouvements d’opinion. Son allégorie est représentée  les yeux bandés. Mais peut-être pas les oreilles bouchées.

Toujours est-il que le verdict de mort est suspendu par la cour de cassation. Les avocats se rattrapent enfin. Car au moins l’un des 5 moyens qu’ils présentent réussit à convaincre. A commencer par l'absence du fameux "rhésus" dans l'une des pièces du dossier.

 

 

 

L opinion publique 04retour

 

Un nouveau procès a lieu.

Dans une atmosphère bien plus calme que la 1ère fois.

Les doutes relayés par la presse ont démobilisé les partisans de la justice expéditive. Ils n’osent plus se rassembler avec tracts et banderole devant le palais de justice.

Cette fois, l’accusé garde son calme. Le 1er avocat à parler ne fait pas de redite, et le 2nd a toute sa voix. Le 3e a été prié de s'abstenir de venir. Il semble que l’on a tiré les leçons du fiasco du 1er procès.

On fait venir à la barre un copain d'armée. Le retournement médiatique de l'affaire l'a décidé à apporter son témoignage. En se tourne vers l'accusé il ose un :

"bonjour christian "

Celui-ci esquisse un sourire. Les jurés prennent alors conscience qu'il y a bien un être humain dans le box.

Le président s'insurge que les propos du copain d'armée soient absents du dossier. Lui est formel : il a déposé dès l'été 1974 à l'hôtel de police de Marseille. Son passage à la  barre n'en est que plus remarqué.

C'est peut-être à ce moment là que l'avis des jurés bascule.

 

 

 

Reve de pampa 02fin heureuse ?

 

 

La scène finale du film nous remontre le cheval galopant dans la pampa.

Un fond sonore de musique péruvienne rythme son galop.

Sur ces images défilent lentement un bandeau de générique.

On peut y lire :

« Aujourd’hui, l’ancien condamné à mort, libéré au bout 2 ans et 8 mois d’incarcération  vit au Venezuela. Il est maintenant père de 3 enfants. Il revient parfois en France pour de courts séjours. On raconte que sur les routes de notre pays, il conduit sa voiture très prudemment."

Mais soudain la musique a des ratés, comme un disque vinyle qui serait rayé. L'image devient boursouflé et rougeâtre, comme une pellicule de film qui s'enflamme.

Une nouvelle image apparait : celle d’un couloir grisâtre sur le sol duquel sont tendues des couvertures.

Une voix off annonce lentement :

« Ce dénouement heureux, c’est du moins ce qui aurait pu se passer sans un certain jour du 28 juillet 1976 à 4 heures du matin à la prison des Baumettes. Lorsque le directeur fut le 1er à entrer dans la cellule …. »

 

 

 

Reve de pampa 12commentaire technique

 

L’unité de lieu pour l’action principale facilite les coûts de réalisation de ce type de fiction.

Un documentaire présentant un cheval sauvage galopant au ralenti sur une musique pleine d’allégresse viendrait se caser en plan de coupe entre les différentes séquences.

Quand une scène montre chritian Ranucci dans son box faisant le calcul des indemnités compensatoires qu’il compte réclamer, la musique redémarre et le cheval réapparait à l’écran.

Cette vision de cheval au galop pourrait au départ sembler énigmatique, voir incongrue pour le spectateur. Le mystère ne lui serait révélé qu'à la toute fin.

 

 

Reve de pampa 13véracité historique

 

Le postulat de base de la fiction est un remplacement du président de séance au tribunal.

Il y a eu de nombreux grains de sable dans le déroulé de l’affaire Ranucci, et ce jusqu’à l’exécution. Mais aucun n’a permis d’arrêter la machine implacable. Et malheureusement pas les 4 moyens de cassation déposés par les avocats.

Le médecin d'origine arménienne est inventé, même si les propos qu'il tient sont valables.

Le copain d'armée est réel, mais n'est jamais venu au procès. Sa déposition de juillet 1974 a même disparu du dossier.

Christian Ranucci n’a pas pu réaliser son rêve de Venezuela. Et pourtant, dans sa cellule, il apprenait l’espagnol.

 

 

 

 

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