son parcours
y-a-t-il eu "raptus criminel" ?
Le parcours de vie de christian Ranucci ne révèle guère le profil d’un criminel.
En revanche, les parcours de sa vie suffiraient à certains pour y trouver matière.
Décryptage de leurs divagations ...
le gendre idéal
christian Ranucci avait :
- un physique qui plaisait et une présentation impeccable
- un emploi trouvé dès sa libération du service militaire
- aucune mauvaise fréquentation ni idée extrême
Avec toutes ces caractéristiques, christian Ranucci avait toutes ses chances de finir dans la peau d’un père de famille banal jusqu’à l’ennui.
Il donnait donc du fil à retordre à ceux qui voulaient lui coller l’esprit détraqué du criminel pervers.
Un rapide coup d’œil à son casier judiciaire montre l’absence d’un quelconque antécédent.
Reste alors, la psychologie, science humaine pour les uns, pseudo-science pour d’autres, mais ultime recours pour les culpabilistes.
le volcan intérieur
Si l'on se fit aux travaux du psychanalyste arthur Janov, il faut se méfier des gens d'aspect trop policé.
Il part de l’idée en vogue dans les années 1960 qu’être civilisé signifie trop souvent dominer ses sentiments.
Ce contrôle peut provoquer une rage intérieure malsaine.
De là il invite toute la population à lâcher prise. A assumer la colère qui parfois grandit en nous jusqu’à nous étouffer.
Si l’on récupère de manière malhonnête les principes de Janov, le tort de de christian Ranucci désigné comme coupable, serait d’avoir satisfait son lâcher prise le 6 juin 1974.
Le crime, aussi horrible soit-il, lui aurait apporté un soulagement ?
Pas pour ceux qui continuent à le voir coupable. Le fait d’avoir libéré son subconscient par les actes, le conduit à refouler l’évènement. Ceci expliquerait selon eux la rétractation des aveux. Voir même qu’il puise nier les faits en toute sincérité.
Avec de tels arguments, la boucle est bouclée. On est dans l’extrapolation hasardeuse. On s’offre un vernis pseudo-scientifique pour voir le monstre derrière le jeune-homme propre sur lui.
le "raptus"
Les conditions du crime sont sans nul doute barbares : coups de couteau et blessures avec des pierres.
Mais pour les attribuer à christian Ranucci, il faut en plus qu’il soit totalement insensé : il était supposé avoir été repéré.
Reste alors la seconde explication psychologique. L'individu aurait été sous l’emprise de ce que l’on dénomme un « raptus criminel ». Ce phénomène intervient lorsque le cerveau est poussé au paroxysme par l’affolement. Dès ce moment, le comportement physique échappe à la raison.
Mais pour aboutir à un tel acharnement, encore faut-il que le sujet présente « un terrain favorable ». Car pour une explication crédible, l’instabilité de l’accusé doit être établie.
synergisme
Deux éléments sont souhaitables pour qui veut étayer l’hypothèse d’un« raptus criminel ».
Il faut "à l’idéal" :
1 - un évènement traumatisant remontant à l’enfant
2 - un continuum dans l’affection ressentie
Comme nous le verrons plus loin, les « culpabilistes » trouvent une intersection à ces 2 axes. L'un et l'autre viendraient se croiser pour une effet "explosif".
Mais dans d'autres cas, une simple "originalité" dans le parcours de vie peut suffire à des prétendus experts. Une bizarrerie, même a priori sans rapport, leur permet toutes les extrapolations possibles pour expliquer des actes hors normes.
L’affaire ted Bundy en est l'exemple le plus probant.
modus operanti
« Voulez-vous m’aider à retrouve mon chien noir ? »
Ce sont les propos tenus par l’homme qui approcha les 2 enfants dans la cour de la cité Saint-Agnès de Marseille le 3 juin 1974.
Ainsi les faits ont-ils été rapportés par le frère de la petite victime.
La manière évoque typiquement le modus operandi du tueur ted Bundy :
« Voulez-vous m’aider à mettre mon surf sur la galerie de ma voiture ? »
ou encore :
« Voulez-vous m’aider à porter mes livres jusqu’à ma chambre universitaire ? »
Demandez ce service avec un faux plâtre au bras ou au pied, et la victime est bien en peine de refuser de vous aider.
Ted Bundy, tueur en série américain, deviendra célèbre en inspirant le film « le silence des agneaux ».
On mit du temps à le coincer, tant il présentait un aspect insoupçonnable. Séduisant, intelligent et charismatique, il avait une compagne. L'ensemble ne collait guère avec un détraqué. Il était même impliqué dans le militantisme politique, tendance conservateur, avec une prédilection pour l’anti-racisme.
Comment aurait-on pu deviner que cet homme charmant était l’un des pires sadiques ?
originalité
Derrière son apparence plutôt lisse, ted Bundy avait une « bizarrerie » remontant à son enfance.
Ces grands parents l'élèvent en lui faisant croire qu’ils sont ses parents.
Le jour où il découvre la supercherie, il comprend alors que celle qu’il avait toujours connu comme sa grande sœur est en fait sa mère.
Avoir grandi dans le mensonge peut faire comprendre son absence de scrupule à user d'un stratagème : le faux plâtre. Duper les victimes pour les aborder était dans sa nature, son éducation.
Mais cela n’explique guère les motivations l'ayant poussé à assassiner au moins une vingtaine de jeune-femmes.
Voilà qui n’arrêterait pas certains psychologues, ou personnes se déclarant comme tel. On démontre alors, avec force de références hellénistes, que ces femmes représentent pour lui sa propre mère, qu’on ne lui a pas laissé aimer comme il aurait dû. Les faire disparaître est sa méthode pour effacer le mensonge.
Voilà l'explication...
Pourquoi pas !
Mais la perversion qu’il a pu y mettre à tout de même de quoi laisser sacrément perplexe.
Ted Bundy fut exécuté à l'issue de son procès. Mais ce ne sont guère les arguments psychologiques qui furent retenus pour établir sa culpabilité
Quant à christian Ranucci, était-il bien celui qui a prononcé la phrase fatidique :
« Voulez-vous m’aider à retrouve mon chien noir ? »
Pour étayer cette culpabilité, certains emploient une mise en équation psychologique au moins aussi hardie que pour le cas Bundy. De la même manière, on va chercher la bizarrerie dans l'enfance. Mais cette fois-ci, c'est pour tenter de trouver une logique au passage à l'acte.
17 déménagements
On trouve une « originalité » dans la vie de christian Ranucci.
Sa mère, éloïse Mathon, fut amenée à changer souvent de lieu de résidence.
Que les fonctionnaires baladés au gré des mutations où autres catégories de travailleurs se déplaçant de région en région se rassurent. La mobilité professionnelle ne fera pas d’eux des meurtriers potentiels, pas plus que leurs enfants.
En ce qui concerne christian Ranucci, cette mobilité a certes de quoi impressionner.
On avance le nombre de pas moins de 17 déménagements.
Sur une période de vie de 20 ans, cela tiendrait presque du nomadisme.
Bien entendu, ceux qui voient dans cette particularité une source potentielle d’instabilité ne s’arrêtent pas à cet unique aspect. Mais ils tentent de nous démontrer que ces déplacements seraient une fuite en avant, avec toute la part d’angoisse que cela comprend.
la rupture
Christian Ranucci a 6 ans lorsque ses parents divorcent.
La séparation est pour le moins violente car son père poignarde sa mère.
Il la verra au retour de l’hôpital la tête entourée de bandages.
Il serait malhonnête de considérer cet évènement comme suffisant à constituer l’élément déclencheur. Et d’ailleurs les culpabilistes ne s’y cantonnent pas. La violence entraîne aussi bien la fascination que l’aversion.
C'est d'ailleurs plutôt l'aversion qui semble attestée. Christian Ranucci rédige à l’école une dissertation où il exprime son rejet de la violence. C’est cette rédaction que sa mère présentera sans succès à la juge d’instruction.
L’agression de madame Mathon a pour conséquence immédiate son départ de la région. Elle quitte Toulon avec son fils pour s’installer provisoirement en Belgique. Qu’on y voit une fuite est des plus légitime. Il n’y a rien de déraisonnable à vouloir s’éloigner du danger.
Mais cet éloignement n’est que provisoire. Très vite, voilà la mère et le fils de retour en France, à Grenoble. Et moins de 2 ans après le drame, ils sont de retour dans le sud, à Perpignan. Nous sommes à la porte de la région PACA.
Cela n’empêche pas un documentaire de 2004 d’affirmer tonitruant :
« Christian Ranucci vivra constamment dans la crainte d’être retrouvé par un père violent. Et sa vie sera une fuite continuelle. »
On se demande dans ce cas, pourquoi cette prétendue fuite s’arrête à Nice. Christian Ranucci a alors 16 ans, et c’est maintenant 4 années de stabilité qui s’offrent à lui.
Sa mère et lui se sont installés à 150 kilomètres du lieu du drame familial. Il faut bien croire que cette proximité n’est plus un obstacle. S’il y a eu fuite, 10 ans auparavant, elle a autant été justifiée que momentanée. Les déplacements qui ont suivi l'étaient au gré des opportunités.
Allauch
Le 3 juin 1974, christian Ranucci se trouve dans la périphérie de Marseille.
Sait-il qu’il se trouve dans le secteur où réside son père, prénommé Jean ?
Le carrefour de la Pomme où il aura son accident est à moins d’une demi-heure d’Allauch, ville où réside jean Ranucci.
Des témoignages, mais hélas rapportant des propos entendus, affirmeront que christian Ranucci est passé ce jour-là à Allauch pour tenter de revoir son père.
Voilà qui aurait fait taire définitivement la légende de sa fuite, et de sa prétendue crainte de la figure paternelle.
conclusion
Christian Ranucci a bien pris la fuite. Mais cette échappée était le 3 juin 1974, au carrefour de la Pomme où il eut son accident.
Tout aussi vrai que cette fuite fut suivie d’une angoisse, celle de se voir retirer le permis de conduire.
Cette crainte ne le quitta pas dans les 2 jours qui suivirent, alors qu’il achetait le journal pour voir si l’accident y était relaté.
Toute analyse jugeant d'une autre angoisse, imprégnant de manière permanente sa personnalité, n’est que pure spéculation. Car ses derniers instants de vie, avant même son exécution, sont là pour prouver la maîtrise qu’il avait de lui-même.
Comme dans la pièce de arthur Miller « les sorcières de Salem », l’un des accusés prouve son innocence en étant capable de prier sans se tromper, ni se reprendre ou balbutier. Selon ses juges, c’est impossible en état de possession. Mais il s’agit de son ultime prière au gibet, et la sentence est malgré tout exécutée.
A tous les inquisiteurs qui prétendent que christian Ranucci a obéit à« un raptus criminel », qu’ils n’oublient pas ce qu’est une exécution capitale. L’esprit du condamné est forcément soumis à cette fameuse « tension paroxysmique maximale », préalable indispensable au raptus.
Or chrisitan Ranucci impressionna les témoins par son courage. Et l
es derniers propos qu’il teint furent parfaitement cohérents.
Reconnaissons enfin que ses ultimes instants plaident définitivement pour son innocence.
pour en savoir plus, tapez : "les sorcières de Salem"
ou revenir à : "la folie"
Commentaires
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- 1. ARGO Le 20/08/2019
Faire le portrait psy d'un individu et en déduire qu'il est un assassin en puissance, bravo! Je vais faire une confession : moi, j'ai eu une vie pire que celle de Ranucci ; un père violent, alcoolique, tabagique, dominateur, parano une mère possessive, névropathe, parano avec une pointe de schizophrénie. Ils m'ont pourri la vie, m'ont réduit à l'état de loque humaine. Tous les quinze jours, la boule à zéro, et souvent habillé avec des fringues de l'armée ou frusqué comme un notaire des années 20.Je n'ai jamais choisi un seul vêtement! Et je te parle pas des raclées! Résultat ma scolarité, une cata! A quinze ans je ne pesais que 37 kilos. Mon père déménageait souvent, il était militaire de carrière. Ils m'ont foutu en pension chez les curés! Je t'en parle pas, pire qu'une prison! Y avait même un élève pédophile dans cette boîte.En plus, on crevait de faim dans cette taule! L'armée à 19 ans par devancement d'appel! Alors, la vie de Ranucci à côté de la mienne, un paradis. Mes vieux m'ont même emmerdé pendant ma vie d'adulte, mon vieux a même tenté de me frapper devant mon épouse! Bref, un jour, on s'est tirés, et je les ai pas vus pendant des décennies! Je raconte ça à un psy, eh ben, il va me cataloguer dans la catégorie névrosé tueur potentiel§ Eh ben, non, j'ai tué personne ; j'ai passé des concours administratifs, bref je me suis fait une vie potable, supportable. J'ai le regret que personne, ou moi-même, ait dénoncé mon vieux pour les sévices qu'il m'a fait endurer, ma vie serait tout autre aujourd'hui! J'aurais préféré une famille d'accueil, crois-moi! En ce temps-là, ça se faisait pas. J'ai jamais tué personne, ni commis aucun acte de violence! Jamais je ne commettrai un seul acte de violence contre qui que ce soit : je respecte trop la vie pour cela, qu'elle soit animale, humaine, ou végétale! La preuve, je fous les insectes dehors, je n'en sulfate ni n'en écrase aucun! Comme quoi, même un psy peut se tromper! Pour finir par un trait d'humour, dans un téléfilm de Maigret, l'affaire Saint-Fiacre je crois, le docteur du village, misanthrope, déclare à Maigret, l'excellent Bruno Cremer, que tout le monde a des pulsions criminelles, et que Maigret, à la suite d'une prise de bec avec son épouse, a sûrement envie d'étrangler cette dernière. "je plaide coupable, docteur, répond Maigret avec humour." Bon, c'est une boutade, mais je prétends qu'il n'est point besoin d'être névrosé, ou immature, ou autre pour tuer. Tout être normal peut être poussé à l'acte si les circonstances l'y poussent! D'ailleurs, qu'est-ce être normal? Par définition, je dirais que personne n'est entièrement normal.
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